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La chute du Mur de Berlin c’est la fin du capitalisme d’Etat

Partisan N°46 - Décembre 1989

Sous le titre "Et maintenant quelle perspective ?", l’éditorial de notre journal commentait à l’époque le séisme politique qui venait de se produire avec la chute du Mur de Berlin et dont on ne mesurait pas alors toutes les conséquences.

30 ans plus tard, le bilan est clair : le capitalisme étatisé n’est pas une alternative pour la classe ouvrière et les travailleurs. Mais force est de constater qu’aujourd’hui on a peu avancé, et la conclusion reste brûlante d’actualité.

Et maintenant, quelle perspective ?

Solidarnosc dirigeant le nouveau gouvernement en Pologne. Le Parti Communiste qui se transforme en parti social-démocrate en Hongrie. Le mur de Berlin qu’on abat pierre par pierre. La grève générale en Tchécoslovaquie. Ce ne sont pas les symboles qui manquent pour illustrer les bouleversements profonds qui secouent les pays de l’Est !

Dans tous ces pays qu’on nous disait socialistes, les masses viennent de faire un retour plus que remarqué sur la scène de l’histoire en montrant une unanimité à rejeter un système social dont elles sont complètement rejetées. Quoiqu’en dise le PCF qui essaye désespérément de recoller les morceaux. Pendant des années, sous la botte, sous la dictature des bourgeois de l’appareil d’Etat et du parti, elles ont été contraintes au silence. Aujourd’hui, elles ont fait éclater le carcan, et la vague s’étend d’un pays à l’autre.

La démocratie capitaliste semble triompher, en tous les cas tous les médias et les politiciens s’emploient à nous démontrer que c’est la preuve irréfutable de la supériorité du capitalisme. Et qu’il est difficile à tous les travailleurs, tous les militants persistant contre vents et marées à se battre pour une société nouvelle, d’être entendus face à ce qui parait être l’échec définitif d’une alternative sociale.

Mais que les bourgeois ne se réjouissent pas trop vite. Bien sûr, le modèle occidental est un aimant puissant pour les peuples de l’Est, avec l’attraction de la société de consommation. Bien sûr, aujourd’hui, c’est le modèle vers lequel tous les regards se tournent, avec la liberté de marché, la concurrence, les élections. Mais gare aux apparences, il y aura des retours de bâton ! D’une part les conséquences sociales seront lourdes et on peut en voir le résultat en URSS, avec les grèves de mineurs. D’autre part les foules ne se mettent pas en branle impunément, d’autant qu’il y a déjà des secteurs ouvriers et populaires, par exemple en URSS ou en RDA à notre connaissance, qui ne veulent pas d’un tel avenir, et qui persistent à développer une alternative sociale.

Qui n’a d’ailleurs pas constaté les inquiétudes des dirigeants occidentaux devant les mouvements de masse à l’Est ? Ils trouvent que ça va trop vite. Ils préfèrent les transformations tranquilles par en haut, les changements par le biais de l’appareil politique, pour ne pas compromettre l’essentiel, à savoir la paix sociale et la poursuite de l’exploitation. Le spectre de la révolution sociale est toujours bien vivant, même s’il se présente différemment qu’il y a un siècle.

Car il y a quand même quelque chose d’évident, même pour eux, c’est que la faillite du capitalisme d’Etat à l’Est ne résout aucun des problèmes du capitalisme libéral à l’Ouest ! Le développement de l’usage et de la production de la drogue, la misère d’Etat aux USA comme en Europe, le chômage (vive le paradis occidental pour les futurs licenciés de Billancourt...), la dictature terroriste, le racisme, la domination des peuples, en Amérique Latine, Afrique, Asie, les contradictions du capitalisme, etc. il y a encore de quoi faire, contrairement à ce que prétendent tous ceux qui parlent de "la fin de l’histoire". Ah, il est sûr que l’ouverture des marchés de l’Est offre de nouvelles perspectives pour surmonter ces contradictions. Mais avec quels risques ? Et pour combien de temps ?

Nous vivons la fin d’un pseudo socialisme constitué à partir de l’échec des révolutions ou début du siècle, en URSS avant tout. Depuis des années, les révolutionnaires s’acharnaient à dénoncer ces régimes, à montrer qu’ils n’avaient rien du socialisme, et au contraire tout du capitalisme, avec la même place dans la société pour l’ouvrier, le travailleur, une même place d’exécutant soumis, destiné avant tout à produire pour des intérêts qui n’étaient que ceux des classes dirigeantes. On nous écoutait avec scepticisme, "quand même, ce n’est pas la même chose" ; aujourd’hui la preuve est faite, la page est tournée.

D’une certaine manière, c’est une grande chance pour tous ceux qui se réclament de la révolution sociale. Une fausse image qui est détruite, c’est la possibilité d’y voir plus clair.

Mais ne faisons pas l’erreur de croire qu’une autre perspective se construira toute seule ! Il y a dans notre pays un certain nombre de collectifs militants qui existent, sur une base locale ou un domaine de lutte. C’est une bonne chose dans la mesure où c’est un refus de la résignation, de l’abandon, qui dominent malheureusement depuis des années. Des éléments ont été approfondis, des débuts de réponse ont été avancés. Mais chacun de ces groupes est-il capable d’offrir cette perspective globale, ce projet de société ? Peut-on en faire l’économie, alors que tous les évènements dans les pays de l’Est en montrent la nécessité urgente ?

En fait, chacun en est réduit, faute de forces, faute de vision globale, à défendre les intérêts ouvriers sur son secteur, de manière radicale certes, mais sans perspective.
Ou on se met au travail, ensemble, pour avancer sur ce projet global, faire le bilan de l’histoire du mouvement ouvrier, être crédibles politiquement, et construire une organisation communiste absolument nécessaire pour avancer, pour répondre aux exigences du moment.

Ou chacun, nous y compris, continuera dans son petit coin, avec sa petite routine locale, dont rien ne sortira jamais en terme d’alternative au capitalisme. C’est l’enjeu que les peuples de l’Est nous remettent dans les mains.


Le fac similé de l’éditorial original

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