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Un nouveau document important du PCP

Partisan N°56 - Décembre 1990

Nous venons de recevoir un nouveau texte du Comité Central du Parti Communiste du Pérou, intitulé "Elections, NON ! Guerre Populaire, OUI !", daté de 1990. Texte consistant (près de 200 pages), très vraisemblablement issu des travaux du Congrès du PCP ayant eu lieu entre Fin 1989 et mi 1990.
Ce texte se décompose en fait en deux parties. La première (un tiers environ) répond, preuves à l’appui, à toute la campagne de la bourgeoisie sur "l’effondrement" de Sentier Lumineux, sa "division stratégique", etc. La deuxième partie peut être considérée comme un manuel d’éducation politique pour les cadres du Parti en regroupant sur quatre thèmes importants cita¬tions et explications de Marx, Engels, Lénine et Mao Tsé Toung.

LA VITALITE DE LA GUERRE POPULAIRE ET DU PCP

La première partie reprend donc les affirmations lancées par toute la presse bourgeoise (et dont nous étions fait l’écho, cf Partisan n°52), sur l’échec de Sentier Lumineux, le triomphe de la démocratie, la déroute et les divisions, etc. etc.

D’une part, elle fait le bilan des actions menées par la guérilla, région par région, montrant tant par le nombre et la qualité des actions que la guérilla ne cesse de développer. L’affabulation sur la supposée déroute est mise en pièces : hausse des abstentions de 8,8% à 21,2% entre 1985 et 1990, extension des actions armées à tout le pays, y compris fin 89/début 90, au moment où l’on disait la guérilla désorganisée et divisée.
Le texte annonce d’ailleurs le passage à une nouvelle étape de la Guerre Populaire vers la prise du pouvoir, sous deux aspects :
• au plan politique par la généralisation des Comités Populaires Ouverts [1] (et non plus clandestins), ce qui suppose un contrôle politique et militaire stable sur les régions concernées. Et qui ne peut être qu’un jalon vers la constitution de la République Populaire du Pérou, seule alternative à la décomposition de la société bourgeoise.
• au plan militaire par l’annonce de la préparation du passage de la guerre de guérillas à la guerre de mouvement, ce qui, là encore, montre un saut qualitatif dans les capacités politiques et militaires d’affrontement à la réaction et à ses Forces Armées.

On est bien loin de l’effondrement annoncé et clamé sur tous les toits ! Et c’est la presse réactionnaire péruvienne (Caretas du 1er octobre) qui confirme (à sa manière !) ces informations, en notant la recrudescence de la violence au mois de septembre, le renforcement de l’armement et de la structuration de la guérilla. Plus un mot sur les supposées divisions du PCP, qui, si elles avaient été confirmées, auraient donné lieu à d’autres manifestations. L’hypothèse d’une gigantesque manœuvre d’intoxication de la part des Forces Armées à l’occasion des élections se retrouve ainsi renforcée... (cf Partisan n°53).
Enfin, ce document justifie les divers types d’actions du PCP, en montrant dans quel contexte politique et stratégique elles s’insèrent. Nous en publions ci-contre un extrait à ce propos. C’est un éclaircissement important et positif, nous avions noté (voir notre brochure) ce qui nous semblait des lacunes dans les explications politiques du PCP autour de son activité.

UN DOCUMENT DE FORMATION TRES INTERESSANT

Toute la deuxième partie de ce texte (les 140 pages restantes) consiste donc en une sorte de manuel d’éducation politique sur quatre thèmes importants :

- La violence révolutionnaire et la critique du parlementarisme.
Quelques pages seulement pour rappeler les positions de Marx, de Lénine sur la nécessité historique de la violence pour en finir avec la société actuelle, ce qui détermine toute l’activité des communistes, y compris dans les organisations légales, syndicats ou autres.

- La lutte des classes.
Les citations rapportées dans le texte ont plusieurs buts. D’une part, réaffirmer le rôle de la lutte des classes comme moteur de l’histoire, dans tous les combats, y compris dans les plus immédiats, et d’autre part, de rappeler que le rôle des communistes n’est pas de mener la lutte pour la lutte, mais d’orienter la lutte des classes vers la révolution et la prise du pouvoir. Ensuite de rappeler que seule la guerre révolutionnaire peut faire déboucher la lutte des classes sur une transformation réelle de la société. Enfin que la politique commande au fusil, sans aucune exception, et de resituer (à partir de citations de Mao) quels sont les rôles, politiques et militaires, de l’Armée Populaire de Guérilla et l’importance de la direction totale du Parti sur la Guerre Populaire.

Cette partie comprend un passage relatif à la lutte des classes au ni¬veau international où l’on retrouve les ambiguïtés que nous avions notées dans notre brochure sur la Théorie des Trois Mondes. Bien qu’il soit affirmé (mais sans aucun élément de démonstration) que ces positions n’aient rien à voir avec celles de "Deng Hsiao Ping et de sa clique", le texte reprend sans critique quelques citations de Mao pouvant ouvrir la porte à cette théorie funeste. On aimerait en savoir plus sur une position de fond qu’on a effectivement vue à l’œuvre dans les années 70...

- Le socialisme et la dictature du prolétariat.
C’est une grande nouveauté des textes du PCP : près de 50 pages sur sa conception du socialisme, à partir des textes de Marx, Lénine et Mao Tsé Toung, et non des moindres puisqu’il s’agit pour ce dernier des "Notes de lecture sur le Manuel d’économie politique de l’URSS" (1960), qui regroupe les premières critiques de fond de Mao Tsé Toung à l’expérience soviétique. Dans notre brochure nous notions le peu d’éléments sur la question, nous voilà rassurés !
La présentation même des divers documents est intéressante dans la mesure où elle permet de voir la constitution historique du point de vue marxiste sur la nature du socialisme, son élaboration progressive à travers analyses et expériences. Dans la mesure où Voie Prolétarienne a les mêmes analyses, nous nous retrouvons globalement dans la présentation qui en est faite.
On y retrouve bien sûr la nécessité d’une nouvelle répartition des richesses sur la base d’un nouveau pouvoir, mais l’accent est mis sur la nécessité de la poursuite de la lutte des classes pour avancer vers l’abolition des classes. Une partie importante montre la place de la paysannerie et ses hésitations possibles face au socialisme, la nécessité de lutter contre la force de l’habitude, la force de la petite production qui recréent le capitalisme. Et donc que la dictature du prolétariat, ce n’est pas la démocratie en général mais la lutte des classes, pour avancer vers le communisme.
Le texte aborde également la réapparition de la nouvelle bourgeoisie, au sein du Parti, de l’Etat, des institutions, précisément à partir de l’influence petite-bourgeoise encore forte dans la société de transition. Il insiste sur la nécessaire rééducation de toutes les couches de la société, des intellectuels en particulier, en s’appuyant fortement sur l’expérience de la Révolution Culturelle.

En bref un document de formation fort intéressant, et qui comble en tous les cas une lacune que nous ressentions. Il reprend d’ailleurs la forme et l’esprit d’une série d’articles parus en 1975 dans "Pékin Information" sous le titre "Questions et réponses sur la dictature du prolétariat" ; articles réalisés sous la direction des "Quatre de Shanghai", et qui sont d’une certaine manière une première théorisation de l’expérience de la Révolution Culturelle. Nous regretterons seulement l’insistance du PCP sur la lutte contre les idées issues du passé à l’origine de la formation de la nouvelle bourgeoisie, alors que les textes chinois insistent autant, sinon plus, sur les rapports de production bien concrets qui amènent nécessairement à cette formation et à ces idées. D’où l’importance vitale du combat politique à mener, à la racine, contre la théorie des Forces productives (et la pseudo neutralité de la science et de la production) contre la division manuel/intellectuel, décideur/exécutant, pour bouleverser le processus même de production hérité du capitalisme. En tous les cas, les éléments, contenus dans ce document sont pour nous tout à fait importants.

- La lutte contre le révisionnisme.
Au-delà de la critique de l’électoralisme, cette partie montre tout à fait justement que les réformistes et les révisionnistes ne sont pas des amis qui se trompent mais de fidèles défenseurs de l’ordre bourgeois et impérialiste. Au travers des exemples de la lutte de Marx, Lénine et Mao Tsé Toung contre les courants opportunistes, le texte réaffirme fortement l’importance de la lutte politique et idéologique contre ces courants, pour que les masses rompent avec eux, et non pas tenter désespérément de convaincre les réformistes qu’ils se trompent. Encore un paragraphe intéressant, qui répond heureusement à des interrogations et lacunes que nous avions soulignées dans les documents disponibles jusque-là.

- Ce résumé est nécessairement rapide et austère. Il avait seulement pour but de montrer l’intérêt de ce dernier document, et comment il répondait (indirectement évidemment !) à certaines des interrogations que nous soulevions dans notre prise de position du mois de Mai, à l’occasion du Xème anniversaire de la Guerre Populaire, et publiée dans notre brochure. C’est en tous les cas selon nous une réponse positive, montrant d’une part plus en détail les positions du PCP, et d’autre part l’importance qu’il donne à la formation théorique, politique et idéologique de ses militants.


La grève armée

C’est une nouvelle modalité de lutte qui implique tout un ensemble d’actions, et doit conduire les quatre formes de la guerre : agitation et propagande, sabotage, exécution sélective et combats guérilleros. En même temps, elle implique de mobiliser une masse immense qui ressent la force du Nouveau Pouvoir, l’existence du nouvel Etat, la remise en cause et la négation du vieil Etat.
La grève armée, militairement parlant, mène ces quatre formes et les répercute dans les plus larges masses, conduisant à isoler certaines zones, et cela montre en outre que la capitale peut facilement être isolée. Depuis 1979, nous savons que Lima est la capitale d’Amérique Latine la plus vulnérable, nous en tenons compte pour continuer à frapper, et nous en tiendrons compte demain quand nous aurons le pouvoir dans tout le pays.

Face aux grèves, comme elle le fait déjà, la réaction va tenter de les freiner et les interdire, de les briser. Elle appellera à de fausses grèves, ou appliquera les armes. Par exemple, à Chosica ils ont convoqué à une fausse grève pour faire une démonstration de force, pour faire pression, intimider et amener les masses à refuser les grèves armées ; mais cela ne sera pas suffisant, ils devront en venir à la répression des grèves armées, à la riposte militaire aux grèves, non plus seulement d’une démonstration de force, mais à briser les grèves armées dans le sang et le feu.

Les grèves armées mettent également en cause les révisionnistes, la bureaucratie syndicale, ceux qui chevauchent les masses. Ils vont continuer à s’opposer aux grèves, en disant que "c’est imposé autoritairement", que "ce ne sont pas les organisations corporatives qui les ont convoquées". Notre réponse est simple : il ne s’agit pas d’une action corporative ou syndicale, mais d’une action militaire pour isoler, frapper, user et miner le vieil ordre, pour que le peuple voit chaque fois plus l’impuissance à laquelle est réduit l’Etat péruvien ; ainsi nous ne discutons pas d’une lutte revendicative, ou syndicale, mais nous développons une action militaire pour saper l’ordre, montrer son impuissance, former l’opinion publique et avoir un impact sur les plus larges masses. En perspective, cela renforce la coupure du pays à un niveau plus large, ce qui est lié à l’autre problème du plan que nous mettrons en marche, celui de passer de la guerre de guérillas à la guerre de mouvement.

Le travail militaire se déroule à la campagne et à la ville, en suivant le chemin d’encercler les cités à partir de la campagne, et notre condition spécifique est que nous développons l’agitation également dans les villes, mais les quatre formes de guerre se développent principalement à la campagne et de manière complémentaire à la ville. Cela va continuer à se développer encore plus, et on peut envisager que la grève armée va surtout se développer dans les villes ; par exemple la grève du Centre a impliqué des villes importantes comme Huancayo, Jauja, Oroya, Huanuco, Cerro de Pasco, c’est-à-dire des capitales départementales ou provinciales. Le travail dans la campagne est bon, de la plus grande importance, mais l’avancée du travail dans les villes est une nécessité qui ira en croissant et nous devons nous préoccuper de ce type de travail.

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