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Vingt ans déjà...

Partisan n°118 - Mars 1997

Voilà vingt ans que notre organisation, Voie Prolétarienne, s’est créée (en septembre 1976). Et ce doit être le 211ème numéro de notre journal que vous tenez entre les moins, car avant "Partisan", il y a eu "Pour le parti "... Vingt ans, cela commence à faire un bail, le début de l’âge adulte !
Si les militants de 68 et après connaissent un peu l’histoire de ce qu’on a appelé "le mouvement mao", la plupart des jeunes ignorent tout de ce qui a pourtant constitué notre origine. Alors, sans sombrer dans les mémoires d’anciens combattants aigris (comme on en rencontre parfois), cet anniversaire est l’occasion de rappeler cette histoire...

68 et le mouvement mao

Durant l’effervescence de mai 1968, c’est le mouvement marxiste-léniniste qui est sorti considérablement renforcé, autour de plusieurs partis et organisations, au point de disposer au début des années 70 de deux quotidiens. La GP (puis la Cause du Peuple), le PCR, le PCMLF, l’Eveil ou la GOP, chacune à sa manière a marqué l’évolution du mouvement mao.

 

Quelles étaient, en positif, les grandes lignes de ces organisations ?
• Une grande radicalité dans la lutte, sans concessions, sans respect de l’ordre et de la loi établis, mais appuyée sur une très grande attention aux aspirations des masses. Cela lui donnera une grande sympathie parmi les secteurs les plus radicaux de la classe ouvrière et de l’immigration.
• Une dénonciation radicale du réformisme, en particulier du PC alors beaucoup plus influent qu’aujourd’hui, autour de polémiques et d’affrontements parfois très violents. Là encore, pour tous les ouvriers radicaux qui avaient ressenti très brutalement la trahison de la fin du conflit de 1968 par les syndicats et le PC, c’était une base de très forte sympathie.
• La référence à la Chine et à son conflit avec l’URSS. Alors que le PC comme les organisations trotskistes continuaient à parler de pays socialistes, les "maos", à la suite des communistes chinois, dénonçaient le caractère de capitalisme d’État de ces pays. A la suite des espoirs soulevés en mai 1968 pour "changer la vie", au delà des strictes revendications matérielles, la réflexion s’amorçait sur ce qu’était la véritable nature du socialisme, sur la polémique sino-soviétique, les enjeux de la Révolution Culturelle et la transformation de toute la société en Chine pour mettre les ouvriers à la direction et la politique au poste de commande. Notons que la chute du bloc de l’Est a donné rai-son à 100% à cette analyse, contre toutes les explications embarrassées du PC comme des trotskistes.

 

Mais le mouvement mao souffrait aussi de défauts majeurs qui allaient le conduire à sa perte.
• Porté par la puissance du mouvement de masse de l’époque (les grèves d’OS, Lip, le Larzac...), et renforcé par sa base sociale avant tout petite-bourgeoise, ces organisations croyaient que la radicalité dans les luttes et la référence à la Chine suffisaient pour faire une révolution.
• Ensuite, elles souffraient d’une absence de réflexion autonome assez consternante : suivisme total vis-à-vis de la Chine, critique très faible des réformistes (et en particulier du PC) jugés seulement trop "mous", ce qui conduira par exemple le PCMLF à reprendre tout l’héritage réformiste et chauvin du PC...
Aussi, dès les premiers signes de reflux du mouvement de masse (dans les années 1978), ces diverses organisations se révélaient incapables de faire l’autocritique nécessaire pour s’adapter et survivre. Elles sombraient alors successivement en quelques années.

Les origines de Voie Prolétarienne

Notre organisation s’est constituée en 1976, c’est à dire au "commencement de la fin" du mouvement mao.
Une partie des fondateurs de VP venaient d’un petit courant marxiste-léniniste, que l’on disait alors "dogmatique ", autour de l’Eveil et du Prolétaire Ligne Rouge, qui critiquait pourtant à juste titre les déviations des maos, en polémiquant systématiquement avec toutes les positions fausses. Mais à force de " traquer l’opportunisme" ce courant était devenu incapable de proposer une politique dans la lutte des classes et a d’ailleurs disparu victime de ces polémiques au sein de ses propres rangs.
Les fondateurs de VP souhaitaient reprendre l’aspect positif de ce retour aux sources du marxisme et du léninisme, sans sombrer pour autant dans le théoricisme ou le dogmatisme. Une autre partie des premiers militants venait directement du mouvement mao (GOP, PCMLF..), sur la base d’une critique de ses erreurs, et à la recherche d’une rigueur dans la ligne qu’ils ne trouvaient pas dans les autres organisations, ballottées au fil des événements.
C’est donc la rencontre de ces deux courants qui allait être à l’origine de Voie Prolétarienne : une partie des militants apportait son acquis théorique, une autre son expérience de la lutte des classes, tous à la recherche de la fusion de la théorie et de la pratique, de la réflexion et de l’action pour ce que nous voulons être un véritable communisme.

Comprendre les erreurs

Un des principes de base de Voie Prolétarienne à sa constitution à donc été la compréhension des erreurs passés ou présentes. En encore aujourd’hui, chacun sait que la polémique politique, la critique comme l’autocritique ont une très grande place dans notre orientation. Si nous sommes incisifs face au réformisme ou à l’opportunisme, nous n’avons pas peur d’assumer nos propres erreurs et de reconnaître nos limites ou nos difficultés. On nous a même reproché de ne pas assez mettre en valeur les aspects positifs de nos acquis ! C’est que dès l’origine, nous avons été confrontés aux graves erreurs du mouvement dont nous sommes issus ! Nous savons que le communisme n’est jamais "pur", qu’il faut être attentifs, qu’il faut savoir refuser la simplicité des apparences et du consensus, s’interroger toujours sur le sens de notre activité. C’est par exemple pour ces raisons que nous refaisons les consensus trop facile du style "défendons la Sécu !", ou "défendons le service public !" etc...
Voie Prolétarienne est une organisation qui a le souci de la rigueur. du bilan du passé, de la réflexion pour construire l’avenir, de la formation (notre école de base roule maintenant systématiquement, et le troisième cycle consécutif vient de démarrer avec toujours plus de succès). C’est d’ailleurs en partie grâce à cette rigueur que nous existons depuis vingt ans, au travers toutes les interrogations de la lutte des classes, et malgré le départ de tous les militants fondateurs de notre organisation.

Lier le combat d’aujourd’hui et la société de demain

Mai 1968 comme la Révolution Culturelle en Chine ont secoué l’idée simpliste qui dominait le courant qui se réclamait du socialisme : non, il ne suffisait pas de nationaliser, de planifier l’économie, d’augmenter les salaires pour pouvoir parler de pouvoir des travailleurs. On en a vu les résultats avec le capitalisme d’État à l’Est !
C’est une des erreurs majeures du mouvement communiste que nous avons voulu combattre (et que nous combattons toujours !) dès l’origine. D’où l’importance que nous donnons dès aujourd’hui à l’éducation politique. Il ne suffit pas de reconnaître les erreurs, il faut éviter de les reproduire ! Et toute notre activité politique est guidée par ce souci : nous ne défendons pas n’importe quoi, pas n’importe comment, nous voulons que notre combat serve à préparer l’avenir, à forger une conscience communiste et une solide organisation. Par exemple, quelle société va-t-on construire demain si dès aujourd’hui on se bat pour des augmentations de salaire en pourcentage qui favorisent les gros salaires des cadres ? Qu’il s’agisse de l’internationalisme, du combat salarial, du logement, du combat antinucléaire, de la lutte pour l’emploi, de l’unité de la classe, nous avons cette préoccupation : un cahier complet (N°3) de notre plateforme aborde ces divers aspects de notre orientation.

 

C’est d’ailleurs pour la même raison que nous n’acceptons aucune compromission avec la "gauche" officielle, dont le seul objectif est de réformer le capitalisme et l’exploitation, sans les remettre en cause. La "gauche", ce ne sont pas des amis qui se trompent, mais l’ennemi (la gestion du capitalisme !) infiltré dans nos rangs...

La classe ouvrière au cœur de la révolution

Enfin, sans pouvoir résumer vingt ans d’histoire en ces quelques paragraphes, VP s’est constituée en 1976 en faisant le bilan de la base sociale des "maos". S’ils ont eu une influence réelle dans la classe ouvrière (on en trouve encore les traces chez certains ouvriers d’usine), ils reflétaient essentiellement l’enthousiasme et les illusions de la petite-bourgeoisie, qui d’ailleurs retombent comme un soufflé dès que le mouvement social retombe. D’où toutes les désillusions,mais aussi les véritables trahisons d’anciens maos reconvertis dans la gestion ou le PS, à l’image de July (patron de Libération), de Geismar (conseiller du PS), de Glucksman et autres "nouveaux" philosophes de la démocratie bourgeoisie.

 

Un des principes fondateurs de VP, c’est le rôle essentiel de la classe ouvrière dans le processus de la révolution. Même si aujourd’hui elle n’est pas au premier plan en France, elle seule est capable de porter un projet véritablement communiste, pour bouleverser de fond en comble le capitalisme et l’exploitation. D’où l’insistance et l’attention que nous portons au mouvement ouvrier (pas les partis et syndicats réformistes, le mouvement réel...) et les efforts que nous dirigeons en sa direction.

Vingt ans déjà, ce n’est qu’un début !

Nous ne sommes pas des nostalgiques de Mai 1968, tournés vers un passé qui fait partie aujourd’hui de l’histoire.
Cette courte présentation adressée aux plus jeunes des militants avait pour but de montrer d’où nous venons et pourquoi nous défendons l’orientation qui est la nôtre.
Voie Prolétarienne n’est pas une organisation de circonstance, liée à tel ou tel mouvement de lutte. C’est une organisation communiste avec des ambitions énormes, tout d’abord de construire le parti capable de diriger le processus de la révolution.
Nous sommes extrêmement ambitieux, voire prétentieux disent certains, mais nous connaissons aussi nos limites et nos faiblesses. La révolution est quelque chose de sérieux : nous affrontons un ennemi puissant, armé et qui a tous les moyens de son pouvoir.
Si nous voulons avancer, réussir, l’amateurisme ne nous conduira qu’à l’échec et à la répression. D’où l’importance que nous donnons à la rigueur, au travail de réflexion, d’organisation. Et force est de constater qu’aucune autre organisation (voire "parti") n’offre une telle perspective...
L’avenir nous appartient, mais c’est à nous de le construire.

 

A. Desaimes

 

Voir aussi : C’est quoi être maoïste ?

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