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Invisible, mais bien réelle : la bataille de l’amiante !

Partisan N°257 - Juin 2012

Evalué par l’OMS à 100 000 par an, le nombre des victimes de l’amiante augmente chaque jour : victimes directes par contamination dans l’environnement, mais surtout sur le lieu de travail, et aussi familles d’ouvriers. Il suffit parfois d’avoir lavé les bleus de travail contaminés pour être soi-même touché(e). A la différence des accidents de travail à « effets immédiats », les maladies de l’amiante se révèlent après plusieurs années, et exigent alors une lutte pour leur reconnaissance en maladie professionnelle.
Seul le combat déterminé des associations de lutte contre l’amiante comme l’ANDEVA (Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante), relayée sur le terrain par des associations départementales et locales, a permis d’obtenir des réparations pour les victimes et leurs ayant-droit et des avancées de la jurisprudence. Mais ce combat, emblématique de la résistance ouvrière aux dégâts du progrès capitaliste, va plus loin. Nous avons demandé à un militant ouvrier de l’Alstom de témoigner.

1. Quels sont les aspects concrets de cette lutte ?
L’aspect le plus immédiat et le plus profond est l’organisation des victimes et de militants, par delà les étiquettes syndicales, pour obtenir des réparations, de la prévention et la condamnation des empoisonneurs. Pour les victimes, les réparations, chiffrées en milliers d’euros, réduisent les difficultés financières, mais ne réparent pas vraiment les préjudices : les souffrances et les handicaps de la personne atteinte, le préjudice familial, sont-ils des marchandises évaluables en euros ? Plus généralement, l’état du rapport de force trouve sa sanction dans le domaine juridique. Là, il faut distinguer le civil et le pénal.
Dans le domaine civil, il y a une avancée récente acquise en mai 2010 devant la Cour de Cassation : la reconnaissance du « préjudice d’anxiété » qui touche les travailleurs d’entreprises contaminées, vivant dans l’angoisse d’être atteints, comme certains de leurs anciens collègues, par des maladies qui peuvent être mortelles. On peut dire que cela a valeur de prévention puisque les travailleurs peuvent attaquer l’employeur avant même que l’amiante incrustée dans le corps n’ait développé une maladie. Avant de faire leurs habituelles économies sur la protection de leurs salariés, les patrons vont y regarder à deux fois.
Cet acquis est l’un des débouchés d’une précédente victoire gagnée par l’ANDEVA en février 2002 devant la Cour de Cassation, et étendue depuis à tous les risques professionnels : l’employeur a une obligation de résultats, et plus seulement de moyens, en matière de protection de la santé de ses salariés. Parmi les effets, on peut citer la lutte victorieuse de la CGT Snecma Gennevilliers qui a obtenu l’interdiction de la mise en oeuvre d’un projet de réorganisation présentant des risques pour les salariés et pour les populations environnantes.
Dans le domaine pénal, la France accuse un retard par rapport à l’Italie. Tandis que le tribunal pénal de Turin a condamné deux hauts dirigeants d’Eternit à 16 ans de prison et à verser d’importantes indemnisations aux 6000 parties civiles, la Cour d’Appel de Paris a annulé les mises en examen pour « homicides et blessures involontaires » de six dirigeants d’Eternit et dessaisi le juge.
Un des objectifs plus larges de l’Andeva est de faire condamner les responsables de la catastrophe sanitaire de l’amiante et en particulier l’Etat français en ce qu’il n’a pas assuré son rôle de protection de la santé publique jusqu’en 1996.

 

2. Quels autres enjeux mobilisent aujourd’hui les collectifs de lutte ?
L’année 2011 a été marquée par des attaques gouvernementales et patronales pour prendre la direction du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) et faire des économies sur l’allocation de cessation anticipée (ACAATA), pré-retraite accordée depuis 1999 aux salariés de certaines usines où la manipulation de l’amiante a été significative.
Dans cette lutte, l’Andeva joue un grand rôle, assez isolée y compris face aux syndicats, pour défendre les intérêts ouvriers sans compromis. Le 21 juin, elle a organisé l’occupation surprise de la salle du conseil d’administration du FIVA. Le 15 octobre, 4000 personnes, venues de toute la France, ont manifesté à Saint-Quentin, la ville dont Xavier Bertrand est maire. Un courrier demandant des améliorations de la réparation des maladies dues à l’amiante et du système de cessation anticipée d’activité a été adressé aux candidats, mais qui, parmi vous, a entendu citer ce combat ouvrier ?

 

La suite de l’interview : Andeva, syndicats, et réformisme

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