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Non, le capitalo n’est pas écolo

Partisan N°235 - Février 2010

Un marché juteux en perspective

Copenhague devait prolonger le protocole de Kyoto. Sa principale mesure nous éclaire sur les processus de "résolution" acceptés par la "communauté internationale" : le marché du carbone. Puisqu’ils sont incapables de changer de politique, ils confient aux mécanismes du marché, sur lesquels ils pensent que leurs affaires reposent, le soin de réguler les émissions de CO2. Résultat : ils accordent un droit de polluer gratuit à toutes les industries et espèrent introduire des mécanismes d’incitation à la baisse. Concrètement, un trust comme Arcelor-Mittal revend des droits d’émission excédentaires pour 100 millions d’euros, droits qu’on lui avait accordé gratuitement. Puis il obtient de nouveaux droits en Belgique. Ce génial mécanisme a ainsi permis à la sidérurgie européenne de toucher 480 millions d’euros pour continuer à produire et polluer pareil ! Très fort.
Ils ont tous les éléments pour savoir qu’ils envoient le monde à la catastrophe, mais ils n’ont pas le pouvoir de changer les bases sur lesquelles ils reposent. Car même si une direction "éclairée" orientait son pays dans une autre logique de production, le pays serait éjecté du système mondial et le monde capitaliste continuerait sa course destructrice sans lui. C’est important à comprendre : le capitalisme n’a pas la liberté de se saborder lui-même, sa logique l’en empêche. Ils savent que la lutte contre le réchauffement climatique aura des coûts décuplés avec le temps, mais personne ne veut (ne peut) payer avant les autres. Alors ils espèrent que les mécanismes du marché réguleront ce que le système ne peut volontairement changer. Mais comme il est la vraie cause de nos soucis, difficile de croire qu’il en sera la solution !

Un capitalisme vert ?

Cela permet d’éclairer ce que peut être le "capitalisme vert" : arriver à concilier dans certains secteurs profits et dégâts moindres à l’écosystème, quand ce n’est pas simplement surfer sur la vague verte pour faire passer la pilule de coûts de fabrication. En une phrase, transformer l’écologie en marchandise. C’est tout ce qu’il savent (peuvent) faire. C’est le profit qui reste le moteur, pas le bien-être humain ou d’enrayer le réchauffement climatique. C’est ce qu’on peut comprendre des éoliennes, biocarburants, panneaux solaires et autres voitures électriques : concentrer l’aspect écolo sur les profits des grandes firmes, le coût social et environnemental sur les populations. De même que la vertueuse énergie nucléaire n’est possible qu’en niant sa logique sociale et ses coûts de fabrication, de démolition et de gestion des déchets. Le but n’est jamais autre chose que la rentabilité de la filière nucléaire.
C’est enfin ce dont rend compte la critique inattendue du Conseil constitutionnel au projet de taxe carbone de Sarkozy : elle s’appliquait à la population mais pas aux entreprises, délaissant 80% des causes d’émissions (au prétexte qu’ils sont assujettis au marché du carbone, on a vu dans quelles conditions). Ils cherchent la parade “sans mettre en difficulté la compétitivité de l’industrie”, car là est bien le souci. Faire une taxe pour renchérir l’énergie, ils savent faire. Changer la consommation par un bouleversement de la façon de produire, non !
La posture des pays capitalistes (on lutte contre le changement climatique) est une imposture. Ils n’abordent même pas les autres sources de gaz à effets de serre comme le méthane et les oxydes d’azote, parce qu’on ne sait pas comment bouleverser les systèmes agricoles et industriels qui les émettent sans changer les façons de produire, source des profits des trusts chimiques et agro-alimentaires...

Nier l’impérialisme ne le supprime pas !

Il y a un autre mot capital (c’est le cas de le dire) qui n’est jamais employé pour caractériser ces rapports nord-sud si essentiels pour prétendre s’attaquer au réchauffement climatique : impérialisme. Nier que les rapports nord-sud s’intègrent dans un processus de domination planétaire des classes bourgeoises du monde entier prive d’un quelconque espoir de solution qui reposerait sur elles. Or ce sont justement les populations des pays dominés qui vont se taper l’essentiel des conséquences funestes du réchauffement dus à la production des pays impérialistes : catastrophes climatiques entraînant morts puis manques d’eau et de nourriture, épidémies... Même le premier ministre indien a indiqué que "le changement climatique ne peut pas être traité en maintenant les pays en développement dans la pauvreté". Mais le système actuel peut-il prendre ce chemin à l’opposé de ce qui le nourrit depuis deux siècles ? La pauvreté serait endiguée avec seulement 10% des dépenses militaires mondiales, mais qui s’en préoccupe ?

Que les représentants de 92 pays, insulaires ou pauvres, en appellent à la communauté internationale et à la compréhension des grands pollueurs pour limiter la hausse de température moyenne à 1,5° (les 3° semblent déjà inévitables), c’est pathétique. C’est demander à ceux qui vivent de votre écrasement d’avoir la gentillesse de lever le pied en comprenant votre détresse. A-t-on un seul exemple que cela peut marcher comme ça ??

Marxisme contre Ecologie ?

Le réchauffement climatique a des causes sociales, et uniquement sociales : dans la façon de produire étendue par le capitalisme au monde entier. La solution sera sociale ou ne sera pas : s’attaquer aux fondements du capitalisme, à la séparation de l’homme d’avec la nature à une échelle jamais atteinte. Cela donne une dimension nouvelle à notre combat, mais n’en change pas... la nature. Au contraire même, cela donne une raison supplémentaire de prendre le mal à la racine. L’écologie est actuellement surtout portée par la petite-bourgeoisie radicalisée, jamais avec le point de vue du producteur (dont témoigne des inepties telles que "les scientifiques ont maintenant fait leur travail de dénonciation, aux politiques de faire le leur"). Nous devons nous emparer de ces questions car seul un pouvoir ouvrier peut mettre en place les vraies solutions.

Il y a toute une problématique pour dénoncer les limites des analyses marxistes parce qu’elles ont placé l’économie au cœur du système et de ses solutions. Mais il faut comprendre l’économie comme l’a enseigné Marx : c’est les rapports sociaux issus des rapports de l’homme avec la nature. A ce titre, on peut dire qu’en posant la question des rapports sociaux (le cœur d’une vision non économiste de l’économie), les marxistes sont au contraire les mieux placés pour apporter les réponses de fond à la crise écologique. Pour beaucoup d’écologistes, il s’agit surtout d’un problème de forces productives, au mieux de logique de production, mais pas de rapports sociaux justement ! Vision trop étroite, et trop partagée, de l’économie. Ils s’appuient pour cela sur l’expérience des gestionnaires du capitalisme, même au nom du « communisme », qui ont fait des préoccupations écologiques le cadet de leurs soucis. Ce n’est qu’en montrant notre rupture avec cette vision économiste (le faux “socialisme réel”) qu’on fera comprendre où sont les seules perspectives réalistes de s’en sortir.

René Frankel

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