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Un livre : « La revanche des Communeux »

Partisan N°263 - Mars 2013

Il y a 142 ans, le 18 mars 1871, le peuple parisien instaurait son pouvoir, et la bourgeoisie se réfugiait à Versailles. Ce fut le premier gouvernement ouvrier de l’histoire.

De quoi manquons-nous le plus en ce moment pour abattre ce capitalisme sénile et sinistre qui n’en finit pas de nous sarkhollandiser ? Pas tellement de savoir combien et comment il nous exploite et nous dupe : le peuple est au fond de lui assez lucide pour ne plus croire à ses discours de « progrès », au point même d’en être souvent désespéré. Plus sûrement d’une organisation forte et décidée à en finir avec la « profitation » comme disent nos camarades guadeloupéens. Mais pour cela même, pour avoir le cran de se rassembler et de lutter jusqu’au bout, il nous manque d’abord l’énergie, le désir de révolution qui renverserait le mur de la résignation ou du septicisme que la propagande « libérale » a édifié depuis 30 ans, son seul vrai « succès » malheureusement.

 

C’est là qu’intervient un livre qu’il faut lire absolument, et d’une seule traite, pour se redonner des ailes : La revanche des Communeux, de Jean-Baptiste Clément, l’un des 90 élus de la Commune de 1871, auteur des deux chansons bien connues, Le temps des cerises et La semaine sanglante. Paru en 1886, il vient seulement d’être réédité, plus d’un siècle après. Non seulement il nous rafraîchit la mémoire sur cet épisode glorieux du premier grand soulèvement prolétarien, mais il nous donne une formidable claque dans le dos pour reprendre le « drapeau rouge des revendications sociales qui flotte victorieux pendant deux mois à l’Hotel de Ville de Paris... et chasse devant lui le tricolore qu’on cache piteusement dans son étui et qu’on emporte furtivement à Versailles ».

 

Comme il le dit lui-même, ce n’est pas un livre d’histoire que, rescapé du massacre, il écrit 15 ans après, quoique il raconte avec une finesse tactique et une conscience de classe exceptionnelles sa participation aux combats et aux débats de ces folles journées. C’est un livre de lutte, la sienne, qu’il continue et nous transmet, la nôtre donc que, le lisant, nous aurions désormais honte de ne pas reprendre. On ne peut mieux faire que le citer : « Je n’ai pas eu l’intention d’écrire l’histoire de la Commune. Mon titre en est du reste la preuve. C’est un titre de combat car je considère l’époque que nous traversons comme un armistice. Je suis et veux rester un combattant de ces jours de colère, d’espoir et de déceptions, en même temps qu’un révolté qui ne désarmera que le jour où la cause du droit et de la justice aura triomphé... C’est une revanche par la plume en attendant l’autre ».

 

Cette ardeur irrépressible, il nous la communique tout au long du livre par la force d’un verbe qui ne mâche pas ses mots mais aussi et surtout par l’incroyable clarté de ses analyses concrètes des situations qu’il vit au jour le jour, donnant une leçon vivante d’idéologie prolétarienne et de lucidité politique qui nous font mesurer la veulerie et la médiocrité où la vie politique de notre époque est tombée depuis. Et son enthousiasme révolutionnaire qui lui fait dire par exemple parmi tant de fortes phrases « Plus que jamais les dépossédés sont en droit de légitime insurrection », ne se fourvoie pas dans un romantisme idéaliste. En témoigne cette leçon qu’il tire, si semblable à celle de Marx : « Je crois plus que jamais à la nécessité d’organiser les forces révolutionnaires sur le terrain de la lutte de classes, pour ne plus exposer les poitrines ouvrières aux baïonnettes de la bourgeoisie et qu’on ne livre bataille que le jour où l’on aura toutes les chances de remporter la victoire... Les dépossédés de ce monde doivent d’organiser, non pas pour recommencer le « ôte-toi de là que je m’y mette » de la bourgeoisie de 89 mais pour substituer à l’antagonisme des intérêts et aux luttes de classes, l’égalité sociale ».
Ce livre est à lire comme une chanson révolutionnaire de 300 pages, dans le double registre de paroles percutantes de lucidité et d’une musique qui emporte au-delà des mots vers l’action enfin retrouvée.

 


(Jean-Baptiste Clément, Ed. Le bruit des autres, 20 €)
Lire « 1871, Au nom du peuple la Commune est proclamée ! », brochure de VP, 1,50 €.

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