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« Solutions locales pour un désordre global », film de Coline Serreau
Partisan N°240 - Eté 2010
Voilà un nouveau film qui porte sur l’agriculture, manière de faire
capitaliste, et alternative possible. Beaucoup de matière donc, pour un film riche en enseignements ...et en mauvaises réponses.
Quatre affirmations
Quatre affirmations sont justes, fortes, et méritent à elles seules d’aller voir ce film :
Il est affirmé clairement que les trusts de l’agro-alimentaire, de la chimie et de la finance ont imposé une agriculture au service de leurs profits. Non pas pour nourrir la population, mais pour tirer bénéfice du travail ouvrier et paysan. Au mépris bien sûr de la qualité de l’alimentation ou de la survie des paysans sur place. Ne vous inquiétez pas pour la propre alimentation de la bourgeoisie, ils ont accès à d’autres
filières moins risquées !
L’autre aspect essentiel qui ressort clairement du film est que ce processus de domination est mondial, qu’il met au chômage des paysans en Europe, en Afrique, en Asie. Les premiers par l’élévation de la productivité qui fait reposer la production sur un nombre toujours plus réduits d’exploitations (comme ils disent eux-mêmes). 90% de disparitions en 50 ans, ce n’est pas rien. Mais cette production intensive subventionnée condamne aussi à la perte les paysans des pays dominés. Un exemple : en 1970, Haïti est auto-suffisant en riz, la base de l’alimentation. Maintenant, il dépend à 80% des importations étrangères et la terre n’est plus cultivée car il est impossible d’en vivre.
Débat déjà clarifié avec les OGM. Les trusts semenciers (Cargill, Monsanto, Novartis, Pioneer) s’approprient le patrimoine génétique des plantes pour en tirer profit auprès des paysans. Avant les OGM, c’était déjà le cas avec les semences hybrides, stérilisées pour ne pas pouvoir se reproduire naturellement.
Enfin, la stérilisation des sols par les techniques culturales impose de recourir aux engrais chimiques, aux pesticides, aux fongicides. Là encore, de grosses multinationales sont à l’oeuvre pour imposer cette façon de produire leurs profits.
Les rouages de la faim dans le monde et de l’exode rural sont ainsi clairement pointées : pas des multinationales qui auraient fait de mauvais choix, mais une logique de profit qui met l’alimentation mondiale sous sa coupe.
Malheureusement les solutions...
Malheureusement, quand on passe aux solutions proposées, le film est beaucoup moins juste ! Le titre le dit et c’est déjà faux : non, il n’y a pas de solutions locales au modèle capitaliste global. Il y a des alternatives locales, qu’il faut expérimenter et approfondir. Mais le problème est global, c’est le capitalisme monopoliste, et ce n’est pas à l’échelle locale qu’il sera renversé. En France, les AMAP, des producteurs bio, Kokopelli, la Confédération paysanne globalement, oeuvrent pour une agriculture alternative. Mais sans convergence (et clarification des objectifs) avec les autres producteurs, la classe ouvrière tiens, le renversement de cette logique de production n’arrivera pas. Comme ils le comprennent quand même, les auteurs du film nous resservent un autre solution miracle pour mettre à bas le capitalisme sans faire de révolution : l’union des consommateurs (puisque nous sommes tous consommateurs, nous avons le pouvoir de faire changer les choses, c’est évident !). Ca peut marcher à l’échelle locale pour un certain public concernant l’alimentation.
Mais a-t-on vu des productions alternatives de voitures sans travail en horaires d’équipes, sans travail parcellisé, sans sous-traitance sur-exploitée ? Et l’acier, le plastique, les vêtements, qui remet en cause la façon et le prix humain avec lesquels ils sont produits ?
Alors voilà, disons-le, on retrouve là encore, la conception petite-bourgeoise urbaine des problèmes. On dénonce le capitalisme, mais on voudrait la même chose en plus propre, plus sain, mieux régulé. Mais l’exploitation, au coeur du système, on la continue de manière artisanale ?
