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Bosnie : oser s’engager dans le soutien

Partisan N°95 – Décembre 1994

Les combats en Bosnie sont à nouveau sous le feu de l’actualité, avec deux éléments nouveaux.

La poche de Bihac

Il y a d’abord l’offensive contre la poche de Bihac, menée conjointement par les milices nationalistes serbes de Bosnie, de la Krajina croate et de Fikret Abdic, dirigeant bosniaque corrompu du trust Agrokomerc et ancien dirigeant de la Ligue des Communistes. Outre qu’il s’agit d’une poche enclavée en territoire contrôlé par les milices nationalistes serbes, Bihac est un nœud de communication essentiel dans l’ex-Yougoslavie, en particulier au niveau ferroviaire, et sa prise (même sous contrôle de Fikret Abdic) permet de consolider l’existence de la Grande Serbie. L’objectif ultérieur pour Karadzic serait alors l’extension du couloir de Brcko au nord de Tuzla pour relier la Bosnie occidentale et la Krajina croate sous son contrôle à la Serbie.

Le rôle des USA et des grandes puissances

Il y a ensuite le retrait US de l’embargo, et leur engagement plus net aux côtés des forces gouvernementales bosniaques. Il semble clair que de l’armement lourd arrive via l’Arabie Saoudite (vassale des USA), et que des conseillers militaires US participent à l’entraînement et à la direction des offensives militaires de Izetbegovic. Même si les USA sont réticents à s’engager directement dans le conflit, il est évident qu’ils avancent leurs pions dans une région du monde d’où ils étaient absents. Après les avions espions en Albanie, les Casques Bleus en Macédoine et leur forte présence en Grève, c’est tout le flanc sud des Balkans qu’ils cherchent à influencer.
L’Allemagne est discrète, puisqu’elle a réussi à maintenir sa domination économique sur la Slovénie, la Croatie et le mark est même devenu la monnaie parallèle en Bosnie et en Serbie. En ce moment, ce sont la France et la Russie qu’on entend le plus protester contre ce qu’elles appellent « les dangers d’aggravation du conflit ». On se demande bien ce qui pourrait encore s’aggraver… En fait, elles soutiennent l’état actuel des choses et en particulier le régime serbe de Milosevic, considéré aujourd’hui par Alain Juppé comme le partenaire incontournable d’un accord de paix. Rappelons également que Fikret Abdic avait été très discrètement soutenu et encouragé contre Izetbegovic par les Casques Bleus français quand ils étaient à Bihac…
On voit donc une fois de plus le nouveau partage de la région à l’œuvre sur le dos ces peuples, et il n’est qu’un élément dans le repartage du monde qui brasse la planète après la chute du mur de Berlin.

Quel soutien ? (à nouveau et encore)

Certains partent de cette analyse pour renvoyer tout le monde dos à dos, au nom du jeu des grandes puissances et des dirigeants nationalistes.
Ce n’est qu’un élément de la situation, et c’est faire l’impasse sur ce qui se passe en Bosnie (et qui a commencé dans les années 70, puis militairement à Vukovar en Croatie) : il y a là-bas une offensive à caractère fasciste des milices dirigées par Karadzic, attestée aujourd’hui de manière incontestable par la concordance des témoignages (il devient à la longue difficile de parler de manipulation à cette échelle alors que les voyages en Bosnie se multiplient). Offensive fasciste par le militarisme, l’idéologie et la manipulation entretenue par les dirigeants pour arriver à leurs fins : le rattachement à la Serbie qui est leur seul espoir de poursuite de leur domination politique, économique et sociale. N’oublions pas que ce sont eux qui s’enrichissent par le marché noir… Offensive fasciste entamée par le régime serbe de Belgrade et l’armée fédérale en 1991 pour maintenir un système social et un pouvoir de clase qui servaient leurs intérêts (rappel : Milosevic est l’ancien directeur de la Banque centrale de Belgrade…), alors que d’autres fractions bourgeoisies préféraient abandonner l’ex-Yougoslavie pour établir des liens beaucoup plus directs avec les pays européens. C’est pour cela qu’ils se sont appuyés dès l’époque (et d’ailleurs bien avant !) sur le nationalisme serbe pour justifier leur offensive militaire.
Qu’Izetbegovic soit un nationaliste bourgeois est une évidence (et nous le disons depuis longtemps). Cela ne change rien au conflit, et ne recouvre pas la totalité de la réalité Bosniaque. Nous l’avons dit, nous le répétons : il y a des forces laïques et démocratiques, non nationalistes, en Bosnie, opposées à Izetbegovic et au SDA, mais qui participent au combat antifasciste parce que c’est cela qu’ils vivent. Ces forces sont fragiles, en butte aux coups de tous les côtés (y compris du SDA), délibérément oubliées par les médias. Mais nous savons qu’elles existent, chez les intellectuels de Sarajevo certainement, mais peut-être plus largement encore dans la région ouvrière de Tuzla. Il est de notre responsabilité de militants internationalistes d’aider ces forces ouvrières, fragiles, à survivre : elles-seules peuvent être le point de départ d’une nouvelle alternative progressiste et sociale à l’avenir, en Bosnie comme dans tous les pays des Balkans. C’est le sens de notre engagement dans le Secours Ouvrier pour la Bosnie. Et si nous réussissons à avoir le contact avec de telles forces qui doivent exister en Croatie ou en Serbie, sur une base clairement antinationaliste, nous sommes aussi prêts à les soutenir fermement !

 


Retrait des Casques Bleus et de toutes les troupes étrangères !
Levée de tous les embargos et blocus !
Les Balkans aux peuples balkaniques !
Aucun soutien à Izetbegovic !
Soutien aux forces (d’abord ouvrières) laïques, démocratiques et non nationalistes !

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