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BOSNIE : retour sur le soutien

Partisan N°101 – Juin/Juillet 1995

Un courrier reçu à « Partisan »

Juste deux mots pur vous dire que je ne partage pas du tout votre opinion sur la Bosnie. En effet, vous répétez ni plus ni moins la propagande antiserbe et pro-bosniaque distillée quotidiennement par les médias de la bourgeoisie.
Comment pouvez-vous défendre des soi-disant ouvriers de Bosnie qui en fait sont des patrons et défendent sans complexes le capitalisme libéral ; êtes-vous les représentants de la bourgeoisie ou du prolétariat quand vous défendez de tels points de vue ?
Sans entrer dans les beaux discours, il faudrait quand même rappeler que la Yougoslavie s’est construite d’abord grâce aux Partisans serbes, même si Tito était croate, ces derniers et les soi-disant ouvriers de Bosnie combattaient en majorité dans les milices fascistes aux côtés des Allemands et des Italiens et là, gare aux communistes !
D’ailleurs, la bourgeoisie est très reconnaissante de ce fait car elle a mis très peu de temps à reconnaître la sécession de la Bosnie et de la Croatie. Dans le même temps, les serbes étaient qualifiés de nazis !! Ils nous ont déjà fait le même coup avec Saddam ; c’est tellement simple de diaboliser l’adversaire lorsqu’on manque d’arguments. Non je ne hurlerai jamais avec les loups de la bourgeoisie.
Amitiés communistes

 

PS : A quand le Secours Ouvrier pour les ouvriers serbes ?

 

Nous reproduisons d’autant plus volontiers cette correspondance qu’elle correspond à la position plus ou moins avouée du PC, et d’une partie de l’extrême-gauche en France ou à l’étranger. En particulier, elle était dominante à la fête de Lutte Ouvrière…
Répondons brièvement.

Propagande bourgeoise ?

Il est difficile de dire que nous reproduisons la propagande de la bourgeoisie quand c’est dans « Partisan » que notre lecteur a lu la véritable nature des officiels des Tuzla accueillis par le Secours Ouvrier pour la Bosnie. Nous ne cachons rien, y compris les difficultés à trouver les représentants authentiques et indépendants des travailleurs. Nous avons par exemple toujours refusé de défendre le gouvernement bosniaque et le SDA en dénonçant ses responsabilités dans ce conflit. Y compris au sein du Secours Ouvrier pour la Bosnie, tout le monde ne partage pas notre avis.

Soutien à la bourgeoisie ?

A aucun moment et d’aucune manière nous ne soutenons notre bourgeoisie. Nous sommes contre la politique du gouvernement français, contre l’ONU, contre le Nouvel Ordre Mondial, pour la levée de tous les embargos et blocus (y compris contre la Serbie), le retrait de toutes les troupes impérialistes. Depuis toujours nous avons dénoncé la politique des grandes puissances, y compris leur politique de dépeçage de la Yougoslavie, leur collusion et leur rivalité dans la région dans le cadre du nouveau partage du monde. Notre lecteur peut se reporter aux articles précédents parus à ce propos dans « Partisan ». Il n’y a aucune ambiguïté à ce propos.

Défendre les Serbes ?

De son côté, notre lecteur a apparemment choisi de défendre les Serbes. Est-ce là un point de vue prolétarien ? Nous considérons que depuis trois ans les faits sont avérés, et qu’il n’y a pas seulement de la propagande bourgeoise ? Y a-t-il ou pas purification ethnique (encore aujourd’hui, à Gorazde, les miliciens tchetniks imposent le départ de Serbes qui pourtant ont choisi de rester combattre contre eux pour autoriser l’évacuation des blessés graves) ? Quant à nous, nous sommes prêts, à tout moment, à défendre les ouvriers serbes, dans la mesure où ils se seront démarqués de leur bourgeoisie, où ils auront rompu avec le chauvinisme grand serbe, le nationalisme et le fascisme. Cette démarcation-là, en Serbie même ou dans la zone contrôlée par les tchetniks de Karadzic est essentielle.
Il ne s’agit pas de diaboliser et de manquer d’arguments. Mais la lutte politique ne se réduit pas à la contradiction entre les pays impérialistes et les autres. Pas du tout. Les démarcations de classe doivent guider les prises de position dans les combats nationaux, démocratiques ou anti-impérialistes. Faute de quoi, c’est là qu’on se met à la remorque d’un camp bourgeois.

 

Nous considérons qu’il y a un combat antifasciste en cours, et nous avons choisi notre camp. Et dans ce camp, nous cherchons à défendre un courant prolétarien, difficilement certes, mais en toute clarté.

La Deuxième Guerre Mondiale

Quant à l’histoire de la deuxième guerre mondiale, c’est notre lecteur qui récite avec conviction e révisionnisme historique de Milosevic. Rappelons les faits.
Les Oustachis croates ont été installés au pouvoir d’une éphémère Croatie indépendante en 1941 par les nazis. Ils étaient à peine 500 à leur arrivée d’exil d’Italie, mais leurs exactions (alliés aux extrémistes musulmans) furent si abominables qu’elles sont restées gravées dans les mémoires : des centaines de milliers de morts serbes, juifs, tziganes, mais aussi croates antifascistes, des camps de concentration épouvantables etc.
Le révisionnisme de Milosevic, c’est l’équation Croates = Oustachis. Cette équation est fausse, les Partisans croates (en particulier originaires de Dalmatie) étaient largement plus nombreux que les Oustachis. Mais ils n’étaient pas au pouvoir et n’avaient pas le soutien des nazis.

 

Lors de la résistance antifasciste, il y a eu deux camps. D’une part les Partisans de Tito, sur une base multinationale, constituée de combattants de toutes les nationalités, et où les Croates étaient les plus nombreux. Par ailleurs, la guerre de libération a débuté et s’est développée d’abord en Bosnie centrale. D’autre part il y avait les Tchetniks de Mihailovic, ancien aide de camp du roi Pierre II en exil, qui avait instauré un régime de fer dans la Yougoslavie d’avant-guerre sous la domination serbe (Tito y fit cinq ans de prison). Les Partisans étaient peu implantés en Serbie (mais fortement chez les Serbes de Bosnie), car les Tchetniks étaient dominants, et d’ailleurs la Serbie a été le dernier territoire libéré en Yougoslavie. Par ailleurs, les Tchetniks ont toujours refusé tout accord avec Tito, ils passaient plus de temps à combattre les Partisans que les nazis. Enfin, il faut savoir que les Tchetniks ont répondu aux massacres des Oustachis par d’autres massacres tout aussi épouvantables, dont par exemple 150 000 musulmans du Sandjak… Rien d’étonnant si Mihailovic a finalement été fusillé par Tito en 1946.
Dernière chose : quand nous parlons des Tchetniks de Milosevic ou de Karadzic, c’est eux-mêmes qui ont repris cette étiquette peu glorieuse, datant de la deuxième guerre mondiale. A chacun ses références.

 

Ces faits-là ne sont nullement de la propagande. Ils sont communément admis par tous les historiens, ce que notre lecteur peut facilement vérifier dans toute publication antérieure au début du conflit (par exemple l’Encyclopedia Universalis). Attention : le révisionnisme historique, comme pour l’holocauste des Juifs est pernicieux. Sous prétexte d’une hypothétique persécution, on réécrit l’histoire. C’est aussi le cas des historiens bourgeois quand ils parlent de l’e-URSS. Mais attention à ne pas reprendre le discours des fascistes… même drapés d’un drapeau rouge qui vire au brun !

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