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Aux urnes, citoyens ?

Editorial de Partisan n° 218 février/mars 2008

Fin janvier. Les troupes françaises sont engagées au Tchad pour sauver le gouvernement d’Idriss Déby, menacé par des rebelles soutenus par le Soudan. Silence dans les rangs des partis politiques responsables de gauche (PS, PC) et de droite (évidemment). Tous très occupés à préparer les élections municipales. Mais surtout tous d’accord pour défendre les intérêts de l’impérialisme français. Car le Tchad est l’une des zones pétrolières prometteuses de l’Afrique, comme le sud Soudan et le Darfour. Elle attire les concurrents de la France, Américains comme Chinois, qui exploitent eux aussi les conflits locaux. L’armée française ne pouvait donc rester l’arme au pied alors qu’un allié aussi accommodant de la France était menacé. Pendant ce temps, les âmes sensibles des médias faisaient leurs choux gras de l’amnistie possible des membres de l’Arche de Zoé.

12 février, 6 h 45. 400 policiers font irruption dans le foyer de travailleurs immigrés de la rue des Terres-au-Curé, à Paris, dans le XIIIe arrondissement, avec des chiens et beaucoup de violence. Les portes des chambres sont défoncées. Cette intervention a été précédée, dès 4 h, par le bouclage du quartier. Pourquoi ? Où était la menace ? C’est la chasse aux sans-papiers, évidemment, mais aussi la volonté évidente de faire peur, de terroriser les travailleurs comme tous ceux qui leur viennent en aide, d’une façon ou d’une autre !

18 février, 5 h 45. 1000 policiers investissent la cité de la ZAC de Villiers-le-Bel, là où les jeunes s’étaient révoltés après que deux d’entre eux avaient été tués par une voiture de police. Les flics passent au crible la cité, défoncent les portes qui résistent. Et ils arrêtent 35 personnes. Les journalistes avaient été conviés à cette opération pour lui donner le maximum d’impact. Les habitants sont choqués d’être pris dans une telle nasse policière. Pour certains anciens, cela pouvait rappeler les ratissages de l’armée coloniale en Algérie.

Au delà des faits, quatre conclusions s’imposent :
La bourgeoisie cherche à réduire au silence et à écraser les exploités d’ici, comme les autres peuples, partout où ses intérêts sont menacés. Il y a plusieurs façons de réduire au silence, d’écraser. Il y a d’abord les mirages idéologiques — les religions (dont Sarkozy redécouvre l’importance), — ou les espoirs de réussite individuelle. Il y a ensuite les illusions réformistes, — le co-développement pour l’Afrique, — le dialogue et la démocratie ici. Mais, l’histoire témoigne que cela se grippe parfois. Alors l’Etat sait user de la force, et de la violence dont il a le monopole, contre les exploités. Au cas où on oublierait sa domination, il doit en faire la démonstration. Il doit semer la peur, imposer la conviction que personne ne peut avoir le dernier mot contre lui. Il serait naïf de croire que cette violence ne s’exercera pas un jour contre les résistances de tous les exploités !

La deuxième leçon est que l’on ne peut pas séparer le combat de classe et la lutte anti-impérialiste. Les luttes sur ces deux fronts se renforcent mutuellement. Tout échec de l’impérialisme français est un encouragement pour nous. Nous sommes contents que « la France » (de Sarkozy) perde ! Aussi, le silence des « forces de gauche » n’est-il pas seulement une trahison des exigences de solidarité internationale et anti-impérialiste, c’est une trahison de notre combat de classe. Notre combat n’est pas vraiment de classe et de lutte solidaire s’il n’est pas internationaliste.

La troisième est que cela s’inscrit dans la préparation d’une échéance électorale, qui mobilise toutes les énergies. Les énergies de l’opposition de « gauche », mais aussi de la « gauche de la gauche ». On mesure alors où sont les vraies priorités politiques. Tout au plus ces gauches dénoncent-elles le caractère de manipulation politique des opérations spectacles. Mais sur le fond, où est-la dénonciation ? Les municipales, c’est fort probable, seront un désaveu de la politique menée par Sarkozy. Nous nous en réjouirons, mais nous n’en serons pas satisfaits pour autant. La démocratie bourgeoise met en place, par la possibilité de désavouer périodiquement un gouvernement, les soupapes de sécurité et les alternances qui entretiennent l’illusion que le peuple peut peser sur les choix politiques par son vote, et seulement par celui-ci. Mais pour tous les exploités, d’alternance en alternance, la dégradation des conditions de vie, de travail et de droits ne fait que se renforcer.

Le dernier enseignement est que, derrière la démocratie bourgeoise pour la forme et le droit, un arsenal répressif est mis en place, qui se nourrit des expériences de guerre civile : rafles et bouclages (guerre d’Algérie), drones dans les cités (guerre contre les Palestiniens), ou pénalisation de la solidarité (des soutiens aux sans-papiers). Alors, quelle que soit l’importance de ces moments de débat politique que sont les élections, l’alternative pour les exploités ne saurait s’y construire. Elle se construit dans les résistances et mobilisations collectives, sociales et politiques, dans l’organisation d’une solidarité de classe qui ne se plie pas aux normes du droit bourgeois. Elle doit être forte, par exemple, des révoltes de la jeunesse des quartiers contre l’Etat. Mais la révolte seule ne construit pas un rapport de force. La bourgeoisie, par la manière dont elle se prépare à faire face à nos révoltes, nous montre qu’il nous faut mettre la barre plus haute en termes de conscience et d’organisation, pour lui faire face, et encore plus pour la vaincre.

Nous disons que la réponse, c’est une Organisation Communiste, une organisation indépendante de l’idéologie et de la politique de la bourgeoisie. Seule une telle organisation peut permettre aux exploités de faire face, unis, nationalement et internationalement, à la guerre idéologique, politique, sociale et sécuritaire de la bourgeoisie. Seule une telle organisation peut faire que la révolte des exploités les engage dans la construction d’un autre monde, le socialisme, qui ne sortira jamais des urnes. C’est là une entreprise de longue haleine. Mais là est notre avenir. Et il se construit dès aujourd’hui.

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A lire dans le n° 218 de Partisan :

Édito : Aux urnes, citoyens ?

Municipales : Déclaration VP

Municipales : Le virage de Lutte Ouvrière

Histoire : La politique française de l’immigration (1)

Lutte contre l’exploitation : Grève aux Verreries de Graville

Marxisme : Salaire, prix et profit

Allemagne : Record de jours de grèves en 2007

Education nationale : Non à la réforme des bacs pro - Fichage des enfants

Luttes des femmes : Chine - Résolution du 6e Congrès de VP - Livre sur les persécutions

International : Maoîstes en Irak - Népal

Allemagne : 25e anniversaire du MLPD .

Histoire : Le Grenelle de Mai 68

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