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FRALIB : deux mois de grève

Partisan N°240 - été 2010

FRALIB, du groupe UNILEVER, c’est entre autres le thé L’Eléphant. L’usine est implantée à Gémenos au sud-est de Marseille. Le siège social pour l’Europe, en Suisse, achète les matières premières, les fait transformer en France, puis rapatrie les bénéfices en Suisse où la fiscalité est plus intéressante. Il y a quatre sites UNILEVER en France sur des productions différentes. Mais les décisions stratégiques sont prises à Rotterdam, siège social pour le monde.

En 2006, à Gémenos, il y a eu 46 suppressions de postes après une opération de chronométrage. Depuis, le sous-effectif entraîne des arrêts de travail, arrêts compensés par des emplois intérimaires. Au moment du mouvement, la direction a fait partir les 20 intérimaires.
85% des 185 travailleurs du site ont été en lutte pendant deux mois (de mars à mai 2010), pour une augmentation uniforme de 200 €, après l’annonce des bons résultats financiers du groupe et à l’occasion de NAO (la direction était arrivée avec une enveloppe globale a minima, intégrant les augmentations individuelles).
Bref, FRALIB, c’est le capitalisme : exploitation et gain de productivité pour le seul bénéfice des patrons et des actionnaires. Aux ouvriers des miettes, mais encore faut-il qu’ils se battent.

Nous avons rencontré un représentant de la CGT du site pour en savoir un peu plus.

- Pour une augmentation uniforme
Il y a 20 ans, le plus bas salaire était à 43% au-dessus du SMIC. Aujourd’hui, il est 3% au-dessus. On retrouve ces mêmes écarts sur tous les salaires. « ils ne lâchent pas un euro ». Il y a donc bien perte de pouvoir d’achat. Il faut savoir que le « salaire » du PDG de UNILEVER a été de 393 500 € par mois en 2008. Pour la période 2007-2008, le chiffre d’affaires était de 1 milliard 500 millions d’euros.
Dans le même temps, il y a augmentation de la productivité. La part salariale des ouvriers sur une boîte de thé est de 15 à 17 centimes d’euros. Le coût de la production est certes plus élevé en France qu’en Pologne, mais cette même boîte de thé est vendue quatre fois plus cher en France qu’en Pologne. Faites le calcul par rapport au prix de vente au détail… « Comme nous avons dit au patron, si vous aviez réellement de l’argent à faire en Pologne, vous y seriez déjà allé et vous auriez fermé ici ».

- Un élément déterminant : internet
La lutte a pu durer aussi longtemps car les ouvriers étaient déterminés face au scandale de ce que proposait la direction. De plus, l’unité syndicale (CGT/CGC les seuls syndicats) a fortement contribué à cette détermination. En face la direction était elle aussi déterminée à ne rien lâcher et n’a pas hésité à utiliser l’arsenal policier et judiciaire pour tenter de faire peur (le directeur est un ancien de Coca Cola). Mais elle a été déboutée de toutes ses poursuites.
Un élément déterminant nouveau est l’accès plus facile à l’information en dehors du circuit syndical habituel (par internet). Donc, à tout moment les informations des syndicalistes étaient vérifiables, ce qui augmentait la confiance et donc, la cohésion.

Les Fralib Géménos en grève

La décision d’arrêter a été prise majoritairement. Les travailleurs étaient fatigués. « La reprise s’est faite dans l’unité et pas à plat ventre ».
Les décisions étaient prises en AG tous les jours. « Il fallait que les syndicats suivent car les travailleurs réclamaient de l’action tous les jours ; ce qui n’a pas été toujours facile. D’un seul coup ils se sentaient quelqu’un, ça leur a ouvert l’esprit, ils ont vu qu’ils étaient comme les autres (Danone, Nestlé…) ». Le taux de syndicalisation était déjà élevé (80%). Avec cette lutte cela va encore augmenter, surtout grâce au travail énorme de la CGT.

- Faire de l’information active
Il n’y a pas eu, comme pour Nestlé, la création d’un comité de soutien externe. Pour autant, les autres sont venus nous voir, comme ceux de Lustucru. Les différentes interventions extérieures ont permis de récolter 50 000 euros durant toute la grève ; de quoi aider. Les travailleurs n’ont pas voulu appeler au boycott car cela reste un acte individuel non mesurable sur une courte période, alors que le don d’argent est lui immédiat et plus significatif. Sans compter que cela aurait donné des caddies à moitié vides, compte tenu de la multiplicité des produits fabriqués par le groupe.
Les travailleurs sont allés faire de l’information active dans les centres commerciaux en remplissant des caddies de ces produits et en les laissant en plan aux caisses.
Les élus locaux ont apporté un soutien du bout des lèvres, à part ceux du PCF localement.

- Une unité de lutte
D’après notre interlocuteur, les relations syndicales CGT/CGC sont bonnes, « les uns n’imposant pas leurs idées aux autres ».
La direction tente de jouer quand même sur la division, par l’affaiblissement de la CGT, en faisant passer au collège cadre des travailleurs par le seul truchement des augmentations individuelles de salaires.

Deux mois de lutte, et 50 euros de plus par mois. Les travailleurs de Fralib ne sont pas rentrés la tête basse. Ils ont maintenu la cohésion et la solidarité, ce qui est une force pour les combats à venir.