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Municipales : la loi du silence des parrains de la politique
Partisan N°39 - Mars 1989
LA COMBINAISON POLITICIENNE
Traditionnellement, les élections municipales étaient un moment privilégié du débat politique. Que ce soit à propos des problèmes locaux touchant plus directement les gens (logement, enseignement, cadre de vie ...), ou même à propos d’enjeux plus nationaux. On se rappelle qu’en 83 il y avait eu un nombre très important d’abstentions qui manifestaient la sanction populaire envers un gouvernement PS-PC (et oui, le PC était encore au gouvernement !) responsable de l’austérité mise en place dès juin 82.
Or qu’est-ce qu’on voit aujourd’hui ?
Rien, ou plutôt des combinaisons politiques à retardement, comme l’accord PS-PC signé avec quelles difficultés seulement trois semaines avant les élections. A côté de cela le scandale de la SORMAE révélant les multiples pots de vin touchés par les élus municipaux de toutes tendances, sans compter la remise en débat de la fraude électorale touchant, là encore, les municipalités de toutes les couleurs, y compris PC.
LE DEBAT INEXISTANT
A gauche, comme à droite, c’est le silence sur le programme, sur le contenu ; et le premier plan à la combinaison politicienne. Comme si cela allait changer quoi que soit pour nous !
Silence sur le contenu disions- nous. Etonnant, non ? Pas vraiment, en fait. Si on réfléchit bien, les politiques municipales de droite et de gauche se ressemblent bien. Pour augmenter les ressources communales, les maires flattent les commerçants (création de centres commerciaux), les industriels (avantages financiers), se lancent dans des opérations de prestige (immobiliers ou non) pour attirer la petite-bourgeoisie. En contrepartie, ils n’hésitent pas à réduire les subventions municipales aux cantines scolaires, aux crèches, aux services sociaux divers, en demandant à leurs usagers d’augmenter leur contribution financière... Il y a les contraintes de la crise, le chômage ; mais aussi de véritables choix sociaux qui traduisent le caractère bourgeois de toutes les municipalités de droite ou de gauche.
Et puis, il n’y a pas remise en débat des alliances politiciennes : le Front National a cessé d’être un enjeu, soit qu’il soit intégré (Sud-Est), soit qu’il soit marginalisé. Il n’y a plus de grands débats, de polémique comme à Dreux en 83, ou lors des législatives de 86.
Alors on chicane, on cherche à discréditer l’adversaire, on met au premier plan la confiance plus ou moins grande dans tel ou tel individu.
Le problème, c’est que nous, on n’a pas confiance. Ni en les uns, ni en les autres. Nous on a nos problèmes, dont eux ne s’occupent pas. On a le problème du logement, de la misère, du chômage, des salaires, du racisme, etc... Voilà ce dont il faut parler. C’est ça l’urgence, la nécessité. Et si eux parlent d’autre chose, c’est la preuve qu’ils vivent dans un autre monde que nous. Plus exactement dans le même monde, mais pas dans le même camp.
UN LOGEMENT POUR TOUS !
Prenons un sujet sensible par exemple. Les sans-logis envahissent les rues et les couloirs du métro, les mal-logés se multiplient. La rénovation urbaine frappe fort, dans toutes les villes. Les quartiers populaires, souvent dégradés (comme le 20è à Paris) sont détruits, on reconstruit à neuf. Les cités, les 4000 à La Courneuve, les Minguettes à Vénissieux, le Sillon de Bretagne à Nantes sont transformés, remis à neuf.
Bravo, pourrait-on dire ! Mais à quel prix ?
Les loyers augmentent dans des proportions considérables, hors d’atteinte d’un budget populaire. Les mauvais payeurs, les chômeurs sont exclus, on recherche des locataires solvables, présentables, avec des conditions draconiennes.
Et ils sont tous d’accord là- dessus. De Chirac à Joxe en passant par Marchais. La rénovation, ça marche très fort dans les mairies "communistes", les sociétés d’économie mixte s’en donnent à cœur joie.
La Loi Méhaignerie n’est même pas supprimée, tout juste retouchée. Il est vrai qu’il ne faut pas toucher aux intérêts des propriétaires, qu’ils soient privés... ou publics (offices HLM, par exemple !).
Peut-on faire confiance à ces bureaucrates municipaux qui disent la même chose ? Evidemment non, puisqu’ils se placent tous du point de vue de la bonne gestion. Comme si nous, au chômage ou en se serrant la ceinture, on pouvait "bien gérer" notre misère ! Alors, on refuse. On se dit un moment que ça suffit. Il y a quelques années les occupations de logements vides se multipliaient en région lyonnaise. Aujourd’hui, à Paris 20è, le Comité des Mal-logés occupe aussi, y compris des immeubles HLM tout entiers, en exigeant un loyer qui ne dépasse pas 800 F/mois.
L’occupation des logements vides, l’opposition aux expulsions sont des mesures d’urgence que doivent prendre dès maintenant les Mal-logés, contre les bons gestionnaires des offices HLM ou des municipalités.
Se loger est un besoin. Il doit être satisfait pour tous, sans restriction liée au revenu, car cette société produit, par notre travail, assez de richesse pour assurer à tous un logement... à condition d’imposer notre conception des besoins. Et s’il faut remettre en cause les rénovations, l’urbanisme, la spéculation foncière, le gigantisme des villes, allons-y sans crainte. C’est pour une autre société qu’il faut combattre, et ça veut dire d’abord réfléchir et s’organiser.
LES MEMES DROITS POUR TOUS !
LE RACISME HORS DES CITES...
C’est quand même curieux. Il y a quelques années, tout le monde ne parlait que de ça. On s’empaillait sur l’immigration, le droit de vote, le Front National, les crimes racistes. Les manifestations se multipliaient contre ces crimes, contre le Code de la Nationalité, etc., les associations immigrées se développaient.
Aujourd’hui, parce que le FN fait moins de 10% des voix, plus de racisme ? Allons donc ! Les immigrés continuent à se faire tirer comme des lapins, comme récemment à Nice, Reims ou Montataire, sans que cela provoque plus que quelques vagues. Des beurs sont présents sur les listes électorales, quelle que soit leur tendance, et leurs associations, France Plus, SOS Racisme, ou Mémoire Fertile réclament toujours plus d’intégration, en exigeant leur part du gâteau.
Les expulsions de clandestins, les camps de rétention inventés par la droite et légalisés par la gauche, les extraditions de militants politiques (basques par exemple), tout cela semble acquis.
Silence gêné de tout le monde, PS et PC compris, sur les émeutes en Algérie et les massacres... et oui, il y a pas mal d’intérêts là-bas. Silence aussi sur le pillage de la France dans les pays d’Afrique ou d’ailleurs, seulement quelques larmes hypocrites sur la misère, dont on tait soigneusement l’origine.
La gauche a décidé de désarmer le racisme en demandant à ses victimes de se camoufler en bons français (bleu blanc rouge). Ils veulent tous de bons immigrés, intégrés, nationalisés, chantant la Marseillaise, et ayant mis dans leur poche leur culture, leur origine, les humiliations subies par eux ou leur famille.
Mais si un certain nombre d’immigrés s’intègrent suffisamment pour devenir acceptables aux plus chauvins... leur intégration n’efface pas la vie grise des cités ouvrières où vivent la plupart des familles d’origine immigrée. Elle n’élimine pas la révolte des jeunes et des moins jeunes, elle n’élimine pas le chômage, le travail clandestin, les différences de culture ou de religion. L’intégration ne désarmera pas le racisme qui fait des "étrangers" les boucs émissaires de tous les maux de cette société pourrie.
Là encore, le seul espoir, c’est de se regrouper, de créer de nouvelles solidarités pour lutter contre toutes les discriminations dans tous les domaines (quotas racistes en matière de logement, expulsions, Code de la Nationalité...) pour l’égalité totale de tous les droits à tous les niveaux, pour la libre circulation des personnes, sans restriction, pour l’unité des travailleurs quelle que soit leur nationalité, ici, ou au pays d’origine, contre notre ennemi commun l’impérialisme (français).
NON AU RMI !
Tous ont voté le revenu minimum au Parlement.
Tous ont ainsi accepté la mise en place d’un sous-SMIC, d’un nouveau salaire minimum (comme son nom l’indique). A l’heure où des ouvriers se battent précisément pour 2.000 F en plus sur les salaires, ils ont décidé que 2.000F suffisaient pour vivre...
Et puis, ils sont tous impliqués dans la distribution de ce RMI, puisque ce sont les municipalités qui établissent les listes à faire accepter par la préfecture. Quelle occasion magnifique de développer le clientélisme !
Comment peut-on vivre avec 2.000F par mois (3.000 propose le PC !), il faudrait le leur demander. Nous, quand on calcule, c’est 8.000 F qu’il nous faudrait pour vivre un minimum décemment, sans luxe. Y compris pour les chômeurs bien sûr, on ne choisit pas d’avoir du travail ou pas dans cette société.
On nous propose des miettes, mais nous on veut tout. Toutes les richesses créées par la société, dépensées dans le budget de l’Etat (impôts) ou par les entreprises. Partager le temps de travail, travailler 20 heures par semaine pour embaucher les chômeurs.
Ah oui, c’est vrai, il y un petit problème. Pour ça, il y a beaucoup de choses à remettre en cause, la concurrence, la compétitivité, la loi du marché etc. C’est sûr. Mais ça, c’est leur société, pas la nôtre. Alors pour faire ce que nous voulons, il y aura peut-être une chose qu’on ne pourra pas partager. C’est le pouvoir politique, justement pour réorganiser la société dans le bon sens.
Pour y arriver, il y a à faire. S’organiser, précaires et chômeurs, travailleurs en fixe, pour un salaire correspondant aux besoins pour vivre. Pour la réduction massive du temps de travail et l’embauche des chômeurs.
Contre le flicage qu’on veut nous imposer, par le RMI. Nous voulons vivre, nous ne sommes pas responsables d’avoir un travail ou pas !
ABSTENTION AUX ELECTIONS !
Voilà le bilan sur trois sujets qui nous tiennent à cœur.
Trois sujets d’actualité, autour des municipales.
Trois sujets, parmi d’autres où la Loi du Silence règne parmi les Parrains de la politique. Evidemment.
Et aujourd’hui, ils nous demandent de voter pour eux, d’approuver leur gestion, leur silence ? De qui se moquent-ils ?
Nous ne donnerons pas nos voix aux politiciens de gauche comme de droite. Nous savons trop, par expérience que l’étiquette de "gauche" cache une politique qui n’a rien d’ouvrière.
Nos problèmes d’ouvriers, de travailleurs, nous avons du pain sur la planche pour les prendre en charge. Nous avons beaucoup de retard. Inutile de rêver aux étoiles, le salut ne viendra pas d’un quelconque "sauveur suprême" fût-il un politicien honnête. Il viendra de notre force collective, de notre capacité à définir nos intérêts et à lutter pour les mettre en œuvre nous-mêmes.

