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Un accord pour quoi ?

Partisan N°103 – Octobre 1995

L’accord de Genève et les négociations de Washington ne doivent pas trop vite réjouir ceux qui espèrent en la paix dans l’ex-Yougoslavie.

 

Tout d’abord, il s’agit d’un accord de partition sur des bases ethniques, qui définit trois secteurs : serbe, croate, musulman. _ Fondamentalement, c’est donc un accord vicié élaboré sur une base raciste. Même si nous n’en connaissons pas les détails, c’est une victoire pour les nationalistes de toutes origines.

 

Que vont devenir les Serbes antifascistes ? Comme dans l’accord croato-musulman de l’an dernier, ils n’ont pas leur place. On peut imaginer qu’ils seront passés en perte et profits de l’histoire, et c’est catastrophique. Eux, qui ont fait un choix politique et idéologique, qui ont su résister au courant réactionnaire dominant, ils risquent de se retrouver abandonnés. Comment peuvent-ils réagir, sinon par le repli, l’exil… Que vont penser les combattants serbes de l’armée bosniaque à Gorazde, alors qu’on peut imaginer que l’enclave va être abandonnée à Karadzic, suivant en cela le plan US ?

 

Enfin, cet accord laisse en plan els réfugiés de toutes origines (plus de deux millions), chassés par la peur ou les massacres. L’option va être d’avaliser la purification ethnique, « les transferts de population considérés par tous comme inévitables » comme le dit cyniquement un journaliste de « Libération » (20 Septembre 1995).
Or les réfugiés font de nouveaux colons, comme on le voit à Banja Luka, en Krajina ou ailleurs. Et ce sont alors, à double titre, des nationalistes potentiels rêvant (à justte titre) au retour chez eux, tout en défendant leur installation sur la terre d’autres réfugiés.
Le retour des réfugiés est impossible dans le cadre d’un accord de partition sur des bases ethniques. Quoi qu’on pense, quoi qu’on en dise, l’avenir ne peut pas être dans un tel accord…

 

Bref, l’avenir immédiat n’est pas brillant. Et cela doit nous renforcer dans notre volonté de défendre toutes les forces multiculturelles, et d’abord et avant tout les travailleurs, ceux qui ont brisé l’offensive des fascistes, les seuls qui peuvent consolider une société unitaire et mélangée, respectueuse des particularités des uns et des autres. Eux ne sont pas attachés à la terre comme les paysans, ils n’ont pas d’intérêts économiques à défendre, de privilèges ou de places à conserver. Ils ont certes la douleur de la guerre, le ressentiment, peut-être la haine.
Mais ils ont le plus de capacités à surmonter ces difficultés, à aller de l’avant, pourvu qu’on les soutienne, qu’ils apprennent à défendre leurs intérêts en toute indépendance.
Plus que jamais, défendons les antifascistes, et parmi eux les travailleurs de Tuzla !

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