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Elections au Portugal : fascisme contre démocratie ?

Pour le Parti N°33 - Janvier 1981

Depuis Octobre 1976 et notre article sur le Parti Communiste Portugais (Reconstruit) PCP(r) nous ne sommes pas revenus sur la situation au Portugal. Cet article, bien qu’exprimant des réserves sur le programme du PCP(r), apportait un large soutien à cette organisation, comme regroupement des forces marxistes-léninistes au Portugal. La suite a montré que les réserves que, nous faisions alors avaient en fait bien plus d’Importance que nous ne le pensions. Au niveau International le PCP(r) s’est aujourd’hui aligné sur les positions du Parti du Travail d’Albanie. Au niveau Intérieur, sur l’étape, de la révolution, l’analyse des réformistes, les divergences se sont maintenues. Mous avons en fait surestimé l’accord programmatique à la création du PCP(r), en sous-estimant les erreurs et les lacunes, au nom des avancées réelles au niveau tactique et organisationnel. La réalité nous impose, aujourd’hui de critiquer notre position de l’époque, qui reflétait des positions erronées dans PLP sur la question de l’unité des communistes. Nous renvoyons pour plus de détail sur cette autocritique à la résolution du Comité Central de VP. « Nos tâches pour unir les communistes », parue dans le N°1 de notre revue.

Il n’est pas question Ici de faire un bilan global de ce qu’est le PCP(r) qui par son implantation dans la classe ouvrière reste un cas particulier dans l’extrême-gauche européenne. L’article aborde seulement les dernières élections présidentielles et sur ce point donne une appréciation de la politique du PCP(r). Nous aurons l’occasion, à l’avenir, de revenir sur d’autres aspects de sa ligne politique.

7 Décembre 1980 : pour la deuxième fois depuis Avril 1974, les portugais élisent leur président de la République.

Le Général Eanes, président en place, est réélu au premier tour avec 56 % des voix, avec le soutien du P.C. et du P.S.
Le Général Soarès Carneiro, candidat de l’Alliance Démocratique (AD), majoritaire aux législatives d’octobre 1980, est battu avec 40 % des voix.
Otelo de Carvalho, seul candidat à s’affirmer progressiste obtient à peine 85000 voix et 1,5%.

Alors est-ce la victoire de la gauche contre la droite, comme le disent tous les bourgeois, comme en parlaient les journalistes de France Inter au « Téléphone sonne » du 5 décembre » Est-ce la victoire de la démocratie contre le fascisme comme le prétendent les réformistes du P.C. Portugais ?

LES DEUX CANDIDATS DE LA BOURGEOISIE

Le « démocrate » : le général Ramalho Eanes.

Eanes, c’est déjà « l’homme du 25 novembre » 1975, le militaire qui a organisé la reprise en main du Portugal après l’été révolutionnaire de 1975. A un moment où le pays était en pleine ébullition, où le gouvernement avait démissionné, où l’armée était impuissante à cause de la contestation en son sein, à un moment où la guerre civile menaçait, c’est l’homme qui avec 400 soldats des commandos a redressé la situation pour la bourgeoisie en instaurant l’état de siège, en emprisonnant les militaires progressistes, en contrôlant les journaux et en occupant la radio. Ce « démocrate » est apparu sur la scène politique par un coup d’Etat.

Eanes c’est aussi le premier président du Portugal, qui a supervisé la remise en ordre du pays pour la bourgeoisie. Entre 76 et 78 le coût de la vie a augmenté de 131%, le pouvoir d’achat a baissé de 28%, les profits capitalistes ont augmenté de 310%. Eanes c’est le président qui a permis l’adhésion du Portugal au Marché Commun, l’installation d’une brigade de l’OTAN au Portugal, le vote d’une loi sur les licenciements, qui a envoyé la GNR (Gendarmerie) récupérer les terres occupées par les ouvriers agricoles de l’Alentejo, qui fait tirer la police sur les manifestations avec plusieurs morts en quatre ans, qui fait revenir les généraux salazaristes à la tête de l’armée, qui libère les Pides [1] mais emprisonne les militaires progressistes et les révolutionnaires, etc.

Eanes, un démocrate ? Certainement, mais un démocrate bourgeois, réactionnaire, chargé de reprendre en main le pays après l’offensive populaire de 1975.

Le « fasciste » : le général Soarès Carneiro

C’était le candidat de l’AD, déjà majoritaire aux législatives. Il était soutenu par toute la grande bourgeoisie qui appuyait autrefois Salazar avec une politique ouvertement musclée de liquidation de toutes les réformes mises en place en Avril 1974 : retour des entreprises nationalisées au secteur privé, révision de la Constitution de 1976, etc. C’était aussi le candidat des bourgeoisies européennes, dont Giscard, qui souhaitent avoir un pays calme pour leurs investissements (par exemple l’installation d’une usine Renault à Setubal). C’était le candidat de l’OTAN, qui veut faire du Portugal et des Açores une tête de pont de sa présence militaire en Europe : installation d’une base nucléaire, ancrage de porte-avions américains sont à l’étude.

En plus ce monsieur n’a pas un passé très reluisant : lié au régime de Salazar, il est surtout connu au Portugal pour avoir commandé un camp de concentration en Angola, avoir été responsable de la censure à Timor...

Alors, Soarès Carneiro et l’AD, c’est le retour au fascisme ?

Le fascisme, ce n’est pas la question d’une personne particulièrement réactionnaire, c’est « la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier » (G. Dimitrov). C’est l’ultime recours de la bourgeoisie pour maintenir son pouvoir par la suppression des libertés démocratiques, liberté d’expression, d’organisation (aussi relatives soient- elles) et la répression violente systématique et organisée de la classe ouvrière et de ses représentants. C’était le cas du Portugal de Salazar et Caetano avec l’interdiction des partis politiques et du syndicat, la PIDE, les exécutions sommaires, la torture et les camps de concentration à Caxias, Tarafal, etc.

Ce n’est pas à cela que veut revenir la bourgeoisie portugaise :
-  le mouvement populaire est pour l’instant bien repris en main, ne présente plus de dangers immédiats comme en 75.
-  même frappée de plein fouet par la crise, la bourgeoisie contrôle la situation et en retire des profits substantiels.
-  la bourgeoisie elle-même a soutenu la révolution d’Avril 1974 pour se libérer du carcan du fascisme, prendre une image démocratique et ainsi renforcer ses relations internationales, avec le Marché Commun entre autres, dont les bourgeoisies se présentent en champions des « droits de l’homme ».

Non, Soarès Carneiro, ce n’était pas une candidature fasciste.

L’ENJEU DES PRESIDENTIELLES

Le plus important, c’est de bien vouloir l’unité des deux projets bourgeois, représentés par Eanes et Soarès Carneiro : organiser la gestion capitaliste du Portugal, au profit de l’impérialisme et de la bourgeoisie portugaise, pour cela museler la classe ouvrière. Leur but, c’est de revenir à la situation d’avant le 25 Avril 1974, c’est-à-dire au calme et à la stabilité, mais cette fois avec des formes démocratiques bourgeoises : liberté d’expression, d’organisation, élections...

Il y a accord sur le fond entre ces deux projets, et il n’y aura pas de crise importante de gouvernement avec Eanes président l’AD majoritaire à la chambre. Comme le dit Eanes lui-même [2] : « Entre moi et le gouvernement de l’AD, il n’y a pas d’incompatibilité, je crois qu’il faut parler plutôt de convergence ».

Y compris sur des points de « divergence » importants comme la révision de la Constitution, puisque cette révision est déjà réalisée dans les faits et l’AD se contente de dire tout haut ce qu’Eanes fait en douce.

Mais il y a entre les deux projets un désaccord majeur sur l’utilisation des réformistes. L’A.D. considère qu’ils ont fait leur temps. Ils ont été bien utiles d’abord avec les gouvernements dirigés par le socialiste Mario Soares, ensuite avec la présidence d’Eanes qui bénéficie de la « confiance » du PC et du PS. Mais aujourd’hui ils ne sont plus utiles pour contrôler le mouvement ouvrier et l’AD est prête à l’affrontement direct. Elle veut bien tolérer leur existence, démocratie oblige, en tant que partis, mais estime n’avoir plus besoin d’eux.

Eanes au contraire, également soutenu par une fraction de la bourgeoisie, pense que la situation n’est pas mûre pour cet affrontement. Il est donc favorable à une politique souple, à une certaine entente avec les réformistes et est prêt pour cela à un certain nombre de concessions mineures sur des réformes trop « voyantes » pour être supprimées sans heurts : maintien des nationalisations, respect de la Constitution de.1976. Quitte à développer par ailleurs la même politique que l’AD. Mais ainsi, on s’est acheté les réformistes, et du coup un calme, même relatif, de la classe ouvrière.

Voilà quel était l’enjeu des présidentielles pour la bourgeoisie : non pas choisir entre fascisme et démocratie, mais déterminer de quelle manière museler la classe ouvrière, frontalement ou en souplesse.

LES RÉFORMISTES CONTRAINTS DE SE DÉMASQUER

15% seulement d’abstentions, 98% des voix pour les candidats de la droite. Force est de constater que le mouvement ouvrier et populaire a voté unanimement pour ces candidats.

Alors que s’est-il passé pour que ce mouvement qui a fait trembler les bourgeois en 1975, suscité l’enthousiasme des ouvriers et des révolutionnaires dans toute l’Europe se rallie en masse aujourd’hui aux candidats bourgeois. Quel chemin parcouru en cinq ans...

Trois responsables : la crise du capitalisme, les réformistes, les révolutionnaires.

Le poids de la crise

La chute du fascisme, le 25 Avril 1974 a coïncidé avec la brusque accélération de la crise mondiale du capitalisme, l’apparition des conséquences voyantes et brutales pour les travailleurs. Inflation, baisse des salaires, chômage, licenciements apparus à partir de 1976 sont ressentis durement par les masses populaires. Alors, spontanément, elles aspirent à revenir à l’époque de Caetano, où la vie était moins dure, tout en rejetant massivement la forme de domination fasciste. Les élections leur apparaissent comme une forme démocratique, aussi une part importante des masses populaires a voté AD aux législatives, lui donnant la majorité à l’assemblée, puisque l’AD se présente plus ou moins explicitement comme successeur de Caetano.

L’influence des réformistes

Tous les réformistes, jusqu’au P.C. compris, ont appelé à voter Eanes, candidat de la démocratie contre le fascisme. Pourquoi ?

L’influence des réformistes sur les masses au Portugal est réelle, mais a deux particularités :

-  Elle est fragile et souvent encore superficielle. Pendant les 48 ans de fascisme, les réformistes étaient contraints d’être clandestins et leur influence était essentiellement due au prestige qu’ils retiraient de la lutte contre le fascisme, militants arrêtés, résistance...
Voilà six ans seulement qu’ils peuvent apparaître ouvertement et consolider cette influence, toujours limitée à ce prestige. Ce qui explique la chute du PS qui a montré en étant au gouvernement ce qu’il représentait réellement. Dans de larges secteurs de la classe ouvrière, les ouvriers agricoles de l’Alentejo, les concentrations industrielles, la combattivité, les aspirations révolutionnaires sont encore très fortes y compris dans des secteurs du PC ou influencés par lui. C’est ce qui a pu expliquer qu’en 1976 aux présidentielles le candidat du PC n’a obtenu que 8% contre 17% à Otelo de Carvalho, soutenu par la gauche révolutionnaire.

-  Les bureaucrates liés aux réformes obtenues en Avril 1974 ont une grande importance dans l’appareil du PC : direction des entreprises nationalisées, des journaux étatisés (une grande part des journaux sont propriété d’Etat), des coopératives agricoles et des instituts de réforme agraire, des bureaucrates syndicaux, etc. dont l’existence et les privilèges sont directement liés au maintien ou à l’élargissement de la situation actuelle. La ligne du PC portugais reflète cette base sociale et vise explicitement à maintenir cette situation. Comme le déclare Alvaro Cunhal, secrétaire général du PCP [3] : « Nous agirons strictement dans le cadre de la légalité démocratique. En étroite liaison avec la classe ouvrière et les masses populaires nous utiliserons toutes les libertés et tous les droits consacrés dans la Constitution pour créer les conditions permettant un virage dans la situation politique portugaise ».
Toute l’attitude du P.C. depuis le 25 Avril 1974 consiste à essayer de combler ce décalage existant entre la classe ouvrière et les bureaucrates, en orientant la lutte des ouvriers vers le maintien des privilèges, la négociation de strapontins. Souffler sur le feu quand on peut arracher quelques réformes, mais pas trop pour ne pas aller trop loin, retenir les masses sans se couper d’elles, voilà son perpétuel jeu d’équilibre. En Août 1974 quand il est bien en place au pouvoir, il vote la loi limitant le droit de grève. En Novembre 1975 il est à l’initiative de mouvements dans l’armée, mais quand il se rend compte que ça va trop loin, il se retire laissant les soldats subir seuls la répression. Dans l’Alentejo, il est capable de mener des luttes particulièrement dures pour maintenir l’occupation des terres, ce qui lui permet à la fois de ne pas se couper des masses très combattives tout en conservant ses postes de bureaucrates.

Mais aujourd’hui, pour les présidentielles, le PC portugais doit résoudre la quadrature du cercle. Il est au pied du mur. En face de lui, il y a deux candidats bourgeois, dont un (Soarès Carneiro) qui a le vent en poupe (l’AD a été majoritaire aux législatives) ne prend pas de gants et déclare éliminer les « conquêtes d’Avril » où prolifèrent les bureaucrates du PC. C’est l’existence même de toute une couche sociale formant la direction du PC qui est en cause. L’autre candidat (Eanes) se déclare au contraire prêt à des concessions.

Alors là, plus question de jouer au dur, de se montrer combattif, comme il a pu le faire pour les législatives (le PC augmente ses résultats). Pour maintenir les privilèges d’une partie de ses membres, le PC est obligé de se démasquer. Présenter un candidat, c’était assurer la victoire de Soarès Carneiro. Il appelle donc à voter Eanes.

Mais le PC sait s’appuyer sur les aspirations des masses pour faire passer son alignement complet sur la bourgeoisie. En mettant en avant le passé peu glorieux de Soarès Carneiro, il présente sa candidature comme le retour du fascisme. Et cela les masses populaires n’en veulent absolument pas. Les sentiments antifascistes, après 48 ans d’expérience, sont extrêmement forts. Alors le PC appelle à voter démocratie contre fascisme, en présentant un candidat (pour maintenir son image combattive) qui se désiste au dernier moment pour Eanes. Et le résultat des élections confirme l’appréciation de Cunhal [4] : « Nous considérons que notre parti a enregistré une extraordinaire victoire politique ».

Et c’est vrai ! Il y avait une situation idéale pour démasquer la politique des réformistes, pour montrer comment ils s’aplatissent de plus en plus dans la boue devant la bourgeoisie pour conserver leurs privilèges. La position du PC était extrêmement précaire, vue son influence fragile, et il le savait bien, redoutait le score d’Otelo de Carvalho, le renouvellement de l’expérience de 1976.

Il n’en a rien été. Dans ces conditions, c’est bien d’une victoire politique qu’il s’agit.

LES ERREURS DES REVOLUTIONNAIRES

1976 : Otelo de Carvalho, l’homme qui a organisé le coup d’Etat d’Avril 1974, très connu et prestigieux, candidat aux présidentielles soutenu par toute la gauche révolutionnaire, dont l’UDP, recueille 17% des voix, contre 8% seulement au candidat du PC.

1980 : le même Otelo étant le seul candidat se disant de gauche, les observateurs attendaient un bon score. Bandeira Vermelha, hebdomadaire du PCP(r) ne cessait de parler de l’écho très favorable de cette candidature dans les masses populaires. Dans ces conditions, 1,5% des voix, soit exactement le score de l’UDP seule, c’est une claque monumentale.

Bien sûr il y a le reflux du mouvement ouvrier et populaire, bien sûr il y a le poids du réformisme. Cela ne suffit pas à expliquer le résultat.

C’est dans la politique suivie par les révolutionnaires dans ces élections qu’il faut rechercher les causes de l’échec.

La campagne menée par l’UDP et le PCP(r) pour soutenir Otelo a été une campagne contre le candidat fasciste, pour le maintien des conquêtes d’Avril en expliquant qu’Eanes est un mauvais candidat pour cela, puisque c’est lui-même un réactionnaire (voir encadré). Ce qui est bien résumé par le Comité Central du PCP(r) qui dit : « Contre le candidat du passé et de l’AD, Soarès Carneiro il faut affirmer la véritable démocratie identifiée avec le 25 Avril et ses conquêtes » (Manifeste du 7 novembre).

En restant sur le terrain de la démocratie pure, cette campagne ne donne aucune perspective d’avenir à la classe ouvrière et aux masses populaires. Au fond, c’est la même vision que les réformistes, fascisme contre démocratie, mais sous une apparence plus radicale, plus révolutionnaire. Cette politique a plusieurs conséquences :
-  Elle obscurcit la conscience de la classe ouvrière et du peuple en limitant leur vision à la forme de la domination bourgeoise, sans leur montrer que la démocratie c’est une notion de classe, qu’il n’y a rien à voir entre démocratie bourgeoise et démocratie prolétarienne. Elle ne montre pas que la démocratie véritable ne peut être obtenue que sous le socialisme, par la prise du pouvoir de la classe ouvrière.
Cela revient en fait à enjoliver la démocratie bourgeoise.
-  Elle ne permet pas de démasquer les réformistes, puisqu’elle se situe sur le même terrain que lui, en limitant la divergence à savoir si tel ou tel candidat est plus ou moins efficace pour faire respecter la démocratie.
-  Elle ne permet pas de convaincre les masses qui, sur le terrain de la démocratie, votent « utile » c’est- à-dire Eanes qu’elles voient déjà en place respecter la démocratie bourgeoise.

Le résultat, c’est les 1,5% d’Otelo, qui représente le bilan concret de cet échec politique.

Cette position du PCP(r) reprise par l’UDP est en fait une vieille déviation du mouvement communiste international :
-  Vieille déviation qui limite la lutte contre le fascisme au retour à la démocratie bourgeoise, sans montrer que ce sont deux formes différentes d’une même domination capitaliste, que le passage de l’une à l’autre par la bourgeoisie ne change pas l’étape de la révolution pour la classe ouvrière : instaurer la dictature du prolétariat. Même si sous le fascisme les tâches démocratiques prennent plus d’importance, même s’il est alors possible de conclure des alliances tactiques avec des antifascistes bourgeois, les communistes se placent toujours du point de vue du futur : la révolution socialiste. C’est cette déviation qu’a suivi le PCF durant la deuxième guerre mondiale.

Les trois objectifs de fond à atteindre avec l’appui à la candidature d’Otelo (traduit de Bandeira Vermelha, hebdomadaire du PCP(r) n°255 du 3 décembre 1980).

« . Battre Soarès Carneiro, -parce que la tâche la plus urgente et l’objectif central de la lutte ouvrière et populaire posés à tout le peuple sont d’entraver l’application de la politique de l’Alliance réactionnaire, d’empêcher le gouvernement de poursuivre sa marche, d’empêcher que les secteurs qu’il représente ne s’emparent totalement des rênes du pouvoir.
. Combattre Eanes, parce qu’on ne peut pas mener les masses à se dresser contre les dangers de la réaction en faisant des compromis avec la politique du 25 novembre, parce que c ’est le novembrisme qui a créé les bases de l’ascension de l’AD, parce que la lutte contre le danger fasciste représenté par Soarès Carneiro peut seulement se mener en termes antifascistes clairs.
. Elargir les forces d’unité populaire, ce qui implique de poursuivre la dénonciation des forces réformistes, les principales responsables du sabotage d’une politique patriotique, populaire et révolutionnaire qui réponde de face à l’offensive de la droite. La candidature du major Otelo a montré être la seule qui exprime ces objectifs »

-  Déviation qui assimile aussi toute mesure répressive du capitalisme à des mesures fascistes, sans comprendre la tendance naturelle de l’impérialisme à la réaction, pour surmonter ses contradictions dans la crise qui le ronge. C’est une position que nous connaissons bien en France avec l’Humanité Rouge, le PCR et aujourd’hui le PCOF, et qui aboutit, en lien avec la première erreur, à toujours limiter la lutte de la classe ouvrière au maintien de la démocratie bourgeoise.

Le PCP(r), depuis sa création en 1975 a repris cette position sans jamais la combattre. On pouvait espérer que ce n’était qu’une erreur de jeunesse, due à l’histoire particulière du Portugal, et qu’une critique de cette position viendrait après étude, pour corriger les erreurs du programme à sa création. Il n’en a rien été.

Cet échec politique retentissant, car c’en est un, pouvait aussi être l’occasion d’une remise en cause de la ligne, d’une autocritique approfondie. Pour l’instant il n’en est malheureusement rien. Le PCP(r) présente le résultat des élections comme un échec du fascisme et la déroute d’Otelo de cette manière : « Le vote ouvrier et populaire en Eanes est un symbole flagrant de la prédominance des illusions réformistes, de l’absence de perspectives politiques et de confiance en ses propres forces qui affaiblissent actuellement le mouvement ouvrier et populaire » (Communiqué du Comité Exécutif du PCP(r), 9 Décembre 1980). Absences de perspectives due à l’influence des réformistes, aux erreurs d’Otelo dans sa campagne... mais d’erreur du PCP(r) aucune...

Sans nous substituer aux communistes portugais qui seuls peuvent définir une tactique précise et correcte pour les élections, les grands axes d’une campagne révolutionnaire auraient dû être :

  • montrer la convergence entre les deux projets bourgeois et expliquer leur divergence secondaire
  • dénoncer les réformistes comme des laquais de la bourgeoisie, en montrant comment concrètement ils soutiennent le capitalisme, et pourquoi ils le font.
  • affirmer la nécessité du socialisme et de la voie révolutionnaire comme seule issue pour la classe ouvrière et les masses populaires. Et au Portugal, compte tenu de l’expérience de l’été 1975, c’est encore quelque chose de très vivant. Voilà ce qu’il fallait montrer en permanence depuis 1974 et plus particulièrement à l’occasion de ces élections.
  • alors, malgré le reflux du mouvement ouvrier, malgré le poids de la crise, il était possible de soutenir même un progressiste petit-bourgeois comme Otelo, en le présentant non pas comme le symbole de la démocratie véritable, mais comme symbole de la voie révolutionnaire au Portugal.

Correspondant VP

[1Membres de la police politique du régime fasciste, particulièrement haïs par la population. Emprisonnés après le 25 Avril, ils sont aujourd’hui tous libres

[2Le Monde du 13 décembre 1980

[3L’Humanité du 15 décembre 1980

[4idem

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