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Ecologie et emploi : l’exemple de la SNEM à Montreuil

Partisan Magazine N°17 - Juin 2021

Une petite usine de traitement de surface pour l’aéronautique, sous-traitante de Airbus et SNECMA en particulier, une trentaine de salariés. Une usine vétuste située à toute proximité d’une école, dénoncée avec inquiétude depuis des années par les parents d’élèves. Des soupçons légitimes de pollution, une toiture percée et où les eaux de pluie rincent l’usine avant de se déverser en torrent dans la rue, l’utilisation de produits hautement toxiques comme l’acide chromique, mais également un contrôle étroit et effectif de la préfecture – la question étant de savoir si on peut faire confiance à un appareil d’Etat qui est à la fois juge et partie, pour qui le sort des entreprises est bien plus important que celui de la population. Bref, au minimum une usine dangereuse.

Enfin, pour être complet, l’usine se trouve au pied d’un parc, le Parc des Guilands, dans un quartier mélangé mais peu à peu envahi par les bobos, ce n’est pas anodin.

L’affaire commence à la rentrée scolaire 2017, suite à trois cas de cancer chez des enfants du voisinage. L’affaire est entendue, c’est la faute à la SNEM, bien qu’aucune preuve médicale ne soit apportée pour justifier l’accusation. Un rassemblement est organisé devant l’école contre l’usine toxique, autour d’une campagne d’affichage extrêmement agressive et mensongère (voir l’affiche ci-contre), avec l’objectif explicite de créer la peur. D’ailleurs, jamais ils ne déposeront aucune plainte, par exemple pour « mise en danger de la vie d’autrui », ils savaient trop bien qu’ils n’avaient aucune preuve. D’ailleurs, les médecins du quartier ne feront jamais la corrélation entre les cancers et l’usine. Car le fond de l’affaire, on l’a bien compris, c’est que ces nouveaux habitants veulent bien du Parc des Guilands et de la verdure à leur porte, mais pas des usines et des ouvriers de l’ancien Montreuil…

Appuyés sur un réseau de communicants, de journalistes, de graphistes, d’intellectuels, les ultras bobos prennent la main pour exiger la fermeture de l’usine – ce qui se produira en juin 2018. Les allusions initiales à la défense des salariés feront long feu, disparaîtront très vite pour laisser la panique faire son chemin chez les riverains, entretenue vague après vague d’affichettes de désinformation, et en rester à la fermeture quoiqu’il advienne, et tant pis pour les ouvrier.e.s, ils n’avaient qu’à pas faire ce travail, ou ils n’ont qu’à aller travailler à Chartres (autre usine du même patron)… Une bonne dizaine d’articles dans la grande presse auprès de copains journalistes complètera le travail (Le Monde, Mediapart, Le Parisien, France Culture, le Canard Enchaîné, Envoyé Spécial, Alternatives Economiques…). Et tout le petit milieu militant petit-bourgeois, NPA, libertaires et anars d’emboîter le pas sans réfléchir plus loin que le bout de leur nez, et sans prendre une seconde le temps de se renseigner sérieusement.

La Mairie, non concernée, restera prudemment en retrait, avec plusieurs communiqués exigeant la mise en conformité du site, et en même temps la protection des riverains. Ça ne mange pas de pain.
La Préfecture prendra l’affaire à fond, avec une multitude d’analyses toxicologiques environnementales (franchement jamais on n’a cette attention quand on est ouvrier soumis à l’amiante ou aux toxiques, mais là, avec les bobos, rien n’était trop beau…) qui ne révèleront rien d’anormal. Le patron sera mis en demeure de faire tout une série de mise aux normes.
Le patron est un patron voyou et complètement absent, qui se fout comme d’une guigne de ce qui se passe dans cette usine. Il n’a même pas porté plainte pour diffamation face aux accusations mensongères des bobos ! D’ailleurs, en fait la fermeture était déjà envisagée, face à la chute des commandes des deux gros donneurs d’ordre.
L’UL CGT a été aux abonnés absents, et dans le déni total de la dangerosité de l’usine. A peine une réunion confidentielle avec les quelques syndiqués, mais absence aux AGs, pas de polémique contre les bobos, l’UL de Montreuil a abandonné les ouvriers à leur sort – d’ailleurs elle n’a même pas osé annoncer la fermeture et le licenciement des ouvriers dans le bulletin syndical de l’UL, la honte. Les ouvrier.e.s de l’usine avaient un vrai besoin de soutien public, face à l’armée de communicants, avocats et autres journalistes qu’ils avaient en face d’eux. Ils se sont retrouvés seuls, vite résignés, et bientôt au chômage.
L’UL Solidaires est arrivée pour soutenir sans aucun recul les bobos, et a aussitôt déserté le terrain.

Seul un petit groupe de riverains a redressé la tête après le rouleau compresseur médiatique initial, en lien avec quelques salariés de l’usine, pour à la fois dénoncer la vétusté de l’usine et les risques sur les salariés, et revendiquer une mise sous contrôle et des expertises indépendantes pour protéger la population et les riverains. Des mails dénonçant la propagande ultra sont diffusés sur les réseaux et les listes de diffusion, réfutant argument après argument. Un voisin polémiquera publiquement lors d’une réunion à la Préfecture, n’obtenant que la fuite des ultras écolos. Des bombages anonymes dénoncent les « bobos toxiques » ou « bobos colons » dans le quartier. Voie Prolétarienne fera une affiche posée dans tout le quartier, hautement lue et commentée (voir en début d’article). Et des affichettes de dénonciation virulentes seront posées une fois la fermeture effective. Mais jamais aucun journaliste ne prendra le temps de rencontrer ces riverains pour tenter de comprendre vraiment l’affaire…

Tout cela n’empêchera malheureusement pas la fermeture et le chômage pour les 25 familles, mais a contribué à créer des liens, sur une base de classe, en opposition à la fois aux ultras bobos écolos, comme aux négationnistes des risques dans une usine comme celle-ci, autour du mot d’ordre « Unité Habitants – Ouvriers contre les risques chimiques », qui faisait l’unité.

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