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Crise, guerre et Révolution
Partisan Magazine N°26 - Décembre 2025
(extrait de l’article de la Cause du Communisme N°8, avril 1984)
Si dans l’ordre théorique, on peut raisonner sur le capital global unique, ce dernier n’est jamais qu’une résultante (représentation) d’un ordre pratique caractérisé par la concurrence entre divers agents économiques (et donc aussi politiques). « Le développement de la production capitaliste nécessite un agrandissement continu du capital placé dans une entreprise, et la concurrence impose les lois immanentes de la production capitaliste comme lois coercitives externes à chaque capitaliste individuel. Elle ne lui permet pas de conserver son capital sans l’accroître, et il ne peut continuer de l’accroître à moins d’une accumulation progressive » . (…)
Les capitalistes s’engagent dans une course effrénée à la restructuration qui a pour conséquence une réduction simultanée de la base productive pouvant œuvrer comme capital. Mais dès lors que la masse du capital capable de se développer se rétrécit comme peau de chagrin, l’enjeu de la concurrence entre capitaux n’est plus le partage d’une part plus ou moins grande du profit, mais la destruction du capital faible (en surplus) comme condition d’existence du capital le plus fort. L’accumulation des rivalités entre capitaux tend vers un seuil critique où la résolution des contradictions connaît le passage qualitatif du règlement pacifiste au règlement violent. Le procès de concentration-monopolisation du capital engage alors un nouveau parcours d’accumulation tendu vers la guerre impérialiste de conquête de nouveaux marchés (élargissement de la base productive aux dépens des vaincus) et de destruction massive de capitaux (qui crée la possibilité d’une reprise du cycle économique pour une période de temps assez longue). Ce procès réalise simultanément un nouveau modelage des forces productives autour des secteurs de pointe d’un nouveau cycle productif (aujourd’hui biochimie, nucléaire, informatique, télécom). (…)
Au total, la volonté d’hégémonie, la course aux armements, la montée des tendances racistes, chauvines et fascistes qui sont autant de caractères typiques de cette marche nécessaire à la guerre impérialiste ne peuvent néanmoins être isolées et prises individuellement comme les causes de la guerre. Elles ne sont que la manifestation de politiques guerrières engendrées par les nécessités objectives du capital. Et c’est pourquoi toute lutte contre la guerre qui ne s’en prend qu’à un aspect isolé de la réalité sans la rattacher à la lutte pour le bouleversement des conditions sociales qui la modèlent et impulsent sa dynamique, est vouée à l’impuissance.
A l’opposé de la métaphysique qui prend prétexte que la guerre n’est pas l’issue inéluctable de toute phase tactique pour rendre creuse l’affirmation stratégique que la guerre est l’issue capitaliste inéluctable à la crise, il est nécessaire d’engager les batailles tactiques sur les enjeux dominants de chaque étape. C’est sur de telles batailles que se nouent en effet les rapports de force qui détermineront l’issue stratégique de la guerre : nouveau partage du monde entre impérialistes ou destruction de l’impérialisme au(x) maillon(s) faible(s) de la chaîne. Racisme, austérité, restructurations, course aux armements, répression, chauvinisme... deviennent, dans ces circonstances, autant de questions sur lesquelles la tendance à la guerre impérialiste prend corps et sur lesquelles le prolétariat doit faire vivre la perspective stratégique de la détruire par la guerre civile révolutionnaire.
Hors de question ici d’agiter le danger de guerre impérialiste comme un grelot, comme si la seule menace avait la vertu de mobiliser les masses contre la guerre. Au mieux, on y renforcerait les oppositions pacifistes « bêlantes » et au pire les tendances à la crainte, à l’impuissance et au repli sur soi qu’engendre spontanément la concurrence entre prolétaires. Dans sa version activiste, le grelot anti-guerre peut conduire au militarisme et à la guerre d’états-majors lorsque l’imminence du danger fait perdre de vue aux combattants qu’en définitive ce sont les masses qui sont décisives pour l’issue stratégique. (…)
En période d’expansion, l’exploitation de la classe ouvrière peut être assurée relativement pacifiquement parce que les contreparties à cette exploitation qu’est contraint de lâcher le capital laissent un taux de profit moyen permettant la valorisation de l’ensemble du capital. Mais lorsque le gâteau de plus-value ne croît plus sous l’effet de l’accumulation des contradictions, alors les relations sociales se tendent entre bourgeoisie et prolétariat sur la production de la plus-value, et entre capitalistes sur la répartition de la plus-value. La tendance à la guerre entre impérialistes est donc toujours simultanée à la tendance à la guerre entre prolétariat et bourgeoisie. Face à la baisse du profit, les capitalistes engagent une lutte féroce contre la classe ouvrière pour élever le taux d’exploitation, lutte d’autant plus féroce que chaque capitaliste y est poussé si l’on peut dire par la concurrence des autres. Il n’est pas inutile de rappeler que les guerres inter-impérialistes furent dans l’histoire des périodes de dictature terroriste ouverte sur le plan politique (tout opposant est un agent de l’ennemi), et de recul terrible des conditions d’exploitation de la classe ouvrière (semaine de 60 h pendant la 2ème guerre mondiale, expérimentation de nouvelles organisations du travail, interdiction des syndicats, discipline militaire...).
(…)
Puisqu’ils sont les deux aspects contraires du capital et qu’ils s’alimentent à la même source, la crise du capital, la concurrence entre les capitaux et la concurrence entre classes suivent en général le même cours. Et toute la période de montée des antagonismes entre fractions du capital connaît la montée des antagonismes entre classes. De sorte que la guerre civile révolutionnaire est la tendance nécessaire, prolétarienne, de la résolution de la crise pendant que la guerre inter-impérialiste en est la tendance nécessaire, bourgeoise (…) dans aucun des cas l’issue de la crise capitaliste n’est pacifique.

