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Mais qui sont les agro-industriels capitalistes et toxiques ?
Partisan Magazine N°24 - Décembre 2024
A chaque crise agricole (réduction de la collecte de Lactalis, grippe aviaire etc.) la profession bien organisée par la FNSEA appelle au soutien aux « paysans », au nom de la sécurité alimentaire, de la défense de « celles et ceux qui nourrissent le peuple ». Sur les réseaux sociaux, c’est même affligeant de voir ces campagnes de soutien (anonymes et indirectes bien sûr) directement liées aux événements agricoles.
Nous parlons d’agro-industriels capitalistes et toxiques. Ce n’est pas la même chose (évidemment !).
Alors expliquons un peu concrètement de quoi on parle, à partir de la réalité d’une exploitation agricole capitaliste moderne, modèle valable dans le Sud-Ouest, dans la Beauce, en Picardie ou ailleurs.
Considérons une exploitation agricole de quelques dizaines voire centaines d’hectares, en céréales.
Il y a un propriétaire, le fameux « paysan ». En fait, c’est un ingénieur agronome (qui a fait l’Agro), SEUL sur l’exploitation. Zéro salarié, seul, vraiment tout seul.
Il a un énorme tracteur, 300 à 400 cv, capable de labours en grande profondeur, au mépris d’ailleurs de toutes les recommandations écologiques récentes. Et la tendance est aux engins robotisés.
Ce monsieur (le « paysan ») prépare les parcelles après les récoltes, avec son tracteur.
Ensuite, il rentre chez lui, et il se met devant ses ordinateurs et écrans, pour suivre les cours mondiaux des bourses aux produits alimentaires, instantanés, à 3 mois, 6 mois, 9 mois. En fait il devient TRADER.
Il observe, suppute, et décide de planter ça ou ça. Pas du tout en fonction des besoins alimentaires, mais en fonction des cours de la bourse et des revenus attendus. Il plantera donc du blé, du maïs, du tournesol, du chanvre ou des pâquerettes en fonction des revenus attendus au moment de la récolte et donc de la vente (bien sûr la nature du terrain joue et ne permet pas tout, mais c’est l’idée).
On souffle, on réfléchit. Vous avez bien suivi ? Ce « paysan » n’en a rien à foutre de ce qu’il produit, en vrai comme tous les capitalistes. Ce qui l’intéresse, c’est le produit final de la vente à l’international, le profit.
Mais l’affaire n’est pas finie.
Que fait notre « paysan », qui n’a aucun salarié, comme on l’a dit ? Il va travailler tout seul la terre comme un damné ? La belle blague.
Non, il fait alors appel à des entreprises de sous-traitance, au fil de la saison : pour les semis, pour les traitements, pour l’arrosage, etc. et bien sûr au final pour la récolte. Il passe des contrats, sur un résultat, en se moquant comme d’une guigne de la manière dont ça se passe ensuite : sous-traitance en cascade, sans-papiers etc.
Et ce « paysan », il passe en fait une partie de son temps à faire des calculs de rentabilité, qu’est-ce qui va lui coûter le moins…
Ce « paysan », agro-industriel capitaliste et toxique, est en fait le symbole parfait du capitalisme. C’est l’aboutissement de la pénétration du capitalisme/impérialisme dans ce secteur productif. On est loin, très loin de la petite production agricole à l’ancienne.
Bien sûr, tout le monde agricole n’est pas à cette image, heureusement. C’est la dominante, celle de la FNSEA et de la Coordination Rurale proche du RN. Mais il existe une fraction minoritaire de paysans qui s’oppose à cette évolution, pour une production écologique, sans pesticides, protectrice de la nature. Ce sont les paysans de la Confédération Paysanne que l’on voir lors des initiatives des Soulèvements de la Terre, pour la défense de l’agriculture bio ou raisonnée.
On notera que si toutes les organisations écologistes et « révolutionnaires » font les yeux doux à ces petits paysans indépendants, elles n’ont pas remarqué l’augmentation récente du prolétariat agricole (en particulier chez les sous-traitants), les premières victimes des conditions de travail et des toxiques chimiques.
Les paysans représentent moins que 3% de la population active en France, toutes catégories confondues, plus rien à voir avec la sortie de la guerre. Mais le débat sur l’agro-industrie, sur les exportations (lait, volaille, blé…), sur la consommation de la viande, sur les toxiques chimiques à l’origine de multiples cancers doit se poursuivre, et avec véhémence !

