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Dans quelle direction faut-il chercher ?

Partisan Magazine N°24 - Décembre 2024

Nous avons vécu en France cet été quelques évènements politiques nouveaux, ou du moins un palier de plus dans la même direction : le danger RN, la politique bourgeoise de Macron, entre Barnier à l’intérieur et les USA à l’extérieur (sur la Palestine en particulier), une nouvelle Union de la Gauche, une « extrême-gauche » à la dérive… Comment VP a agi et réagi ? Notons tout cela un peu systématiquement, et vous nous direz, après lecture, ce que vous en pensez.

.1. Non, il n’y pas eu de coup d’État, de violation de la Constitution, de non-respect de la démocratie.

VP, 29 septembre :
« Quoi qu’en dise la Gauche, Macron a parfaitement respecté les règles de la démocratie bourgeoise en nommant un premier ministre susceptible d’obtenir le soutien d’un maximum de députés, des macronistes au RN. Il n’y a eu ni coup d’État ni vol du résultat des élections. De même qu’était légale l’utilisation du 49.3 par le gouvernement Borne. »
VP se permettait même d’écrire en octobre 2023 (Bulletin n° 40), il y a plus d’un an :
« Vu la progression du RN, on s’achemine probablement vers un gouvernement de coalition entre la Droite et l’Extrême-droite, comme en Italie et en Autriche. Ce ne sera pas le fascisme, mais l’occasion d’appliquer une politique pro-capitaliste et anti-ouvrière encore plus dure. »
La Ve Constitution a été taillée sur mesure, en 1958, pour le général De Gaulle. Le côté « jupitérien » de Macron n’en est qu’une fidèle application. Le Parlement n’est qu’un moulin à paroles tout juste habilité à modifier certaines applications des grandes décisions qui sont prises ailleurs. Ce n’est pas le lieu de LA démocratie, c’est un rouage de la démocratie bourgeoise, capitaliste. Quant au lieu de la démocratie ouvrière, réellement populaire, il se trouve d’abord dans les comités et les organisations de base des travailleurs, dans les boites et dans les quartiers. Ce sont deux démocraties, de deux classes, qui s’opposent absolument, dont l’une est dominante et l’autre écrasée. Qui le dit, et clairement ?

.2. Qui décide alors ? - « Les marchés », c’est-à-dire le Capital.

VP, 12 juillet :
« Le fond de l’histoire, c’est la gestion du capitalisme en crise dans la guerre économique mondialisée. Les politiciens peuvent bien promettre ce qu’ils veulent, le capitalisme impose ses lois, même à tous les réformistes les plus radicaux... »
VP, 29 septembre :
« Ils se moquent de la planète. Ils se moquent de notre avenir. Nous commémorons les 23 ans de la catastrophe d’AZF à Toulouse et les 5 ans de celle de Lubrizol, le génocide se poursuit à Gaza et la guerre s’étend maintenant au Liban, on pourchasse partout les migrants et les sans-papiers, les violences faites aux femmes ne s’arrêtent pas, une nouvelle vague de licenciements commence, voilà la réalité du capitalisme : c’est la catastrophe. » « Macron, Barnier, Retailleau et tous les autres en sont les gestionnaires et les responsables. »
Qu’est-ce qui dirige nos dirigeants ? La guerre économique mondialisée ! Qui le dit, et clairement ?

.3. Le Nouveau Front Populaire : crétinisme parlementaire !

Le 9 juin, Macron dissout l’Assemblée nationale. Les partis de gauche s’empressent de créer une coalition électorale, bien conscients que, séparés, ils seraient assurés de perdre une grande partie de leurs sièges et de leurs strapontins, de leurs budgets et de leur rôle social. Le Nouveau Front Populaire (NFP) est même élargi au-delà des partis politiques, ouvert aux syndicats et associations. L’unité idéologique partagée est celle-ci : tout – l’avenir de la société - se joue dans les élections.
Notons qu’une page historique se tourne : c’est en 1996 que l’indépendance de la CGT vis-à-vis du PCF et de tout parti avait été officiellement actée.
VP, 12 juillet :
« Le NFP nous promet la lune, mobilisé massivement dans ce prétendu « Front républicain », jure aujourd’hui la main sur le coeur « tout le programme et rien que le programme du NFP », comme s’il n’était pas tout à fait réformiste, comme s’ils en avaient les moyens (195 sièges sur 577 au Parlement), ils ont joué la carte électorale jusqu’au bout, ils nous ont vendu du rêve, ils ont rameuté les abstentionnistes jusqu’au fond des quartiers populaires ». « On est très loin d’un soulèvement ouvrier et populaire qui pourrait profiter de la situation pour marquer des points sur le plan social, comme avec l’ancien Front Populaire en 1936 ! Tous les partis réformistes jusqu’au NPA, rejoints par la CGT, sont absolument à fond pour nous vendre « le progrès social », un « capitalisme à visage humain », autour de quelques réformes réduites à l’essentiel ».
Crétinisme parlementaire ? L’expression n’est pas de VP, elle vient de loin : voir encadré.

« Dans quelle direction il faut chercher » : l’expression est de Engels, et de 1895.
« En 1848, on pouvait compter les gens capables de comprendre, ne fût-ce que passablement, dans quelle direction il fallait chercher l’émancipation. Même à Paris, les masses prolétariennes elles-mêmes, n’avaient encore, après la victoire, absolument aucune idée claire de la voie à suivre. Et pourtant le mouvement était là, instinctif, spontané, impossible à étouffer. »

.4. Le vote défensif, on comprend, mais…

Le RN arrive nettement en tête aux élections européennes dans toutes les régions le 9 juin. On comprend la peur des immigrés, des femmes, des LBGT, des militants écolos, antifascistes, etc. C’est pourquoi VP n’a pas appelé à l’abstention aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet.
VP, 20 juin :
« Nous, maoïstes de Voie Prolétarienne, sommes clairs et nous le disons même si c’est désagréable à certaines oreilles : le vote ne changera rien et ne sera source que de nouvelles désillusions. Mais nous ne voulons faire la leçon à personne, en cette période trouble, confuse et stressante. Alors à chacun.e de faire ce qui lui semble correct pour cette élection, ce n’est pas un problème.
Nous ne donnons donc pas de consigne de vote, pour cette fois-ci. De toutes les façons, ce qui va compter, ce n’est pas le vote et son résultat. Le 8 juillet, nous aurons exactement le même problème qu’aujourd’hui. »

VP, 12 juillet :
« Le RN n’est pas passé, énorme soulagement, on souffle… Mais nous savons tou.te.s que ce n’est qu’un répit, et que juste avant ce n’était pas le paradis des bisounours… Quand donc arriverons-nous à nous sortir de la tête que notre sort dépend des urnes ? Alors que chaque gouvernement, de droite comme de gauche, ne fait que préparer le suivant, toujours en pire – il suffit de faire le bilan depuis 50 ans ».
Situation identique aux USA. Le magazine Politis du 31 octobre (édito de Denis Sieffert) souhaitait que « la gauche résiste à la tentation d’un vote de conviction » pour l’écolo Jill Stein et vote massivement pour Kamala Harris. Quoiqu’il en soit, il est bien clair que ça ne résoudra pas le problème principal, qui nécessite la construction d’un parti... de « conviction » (communiste, ouvrier et révolutionnaire). Mais Politis n’en est pas là.

.5. « Tous les partis réformistes, jusqu’au NPA » : vraiment ?

Vous savez – et vous avez lu le Partisan n° 22 de novembre 2023 – que la contradiction du NPA, c’est de marier un électoralisme de gauche avec l’horizon d’une grève générale. Considérons Révolution Permanente (RP) comme une fraction autonomisée du NPA côté grève générale. Et lisons sa prise de position du 28 septembre, intitulée « La crise politique ».
« A l’extrême-gauche, ceux qui partagent notre perspective stratégique se contentent le plus souvent de défendre la nécessité, juste mais totalement abstraite, de « compter sur nos luttes », ou d’incantations propagandistes à ce que « les travailleurs dirigent la société », elles aussi justes mais impuissantes. Ainsi, ils ne proposent aucune stratégie ou programme pour affronter la situation concrète, aucun pont pour les luttes actuelles et à venir. » « Dans un moment de crise de légitimité de la Présidence de la République, du Parlement et de toute la caste politique, les révolutionnaires doivent au contraire participer de façon audacieuse aux dynamiques à venir, en cherchant à unir les revendications sociales à des revendications démocratiques radicales offensives. » « Cela implique d’exiger que le pouvoir soit placé entre les mains d’une seule Assemblée, pour voter les lois et gouverner, débarrassée du contrôle d’un Sénat, d’un Conseil constitutionnel ou du Président de la République ».
Voilà, à l’heure où, plus que jamais, il apparaît que leur démocratie bourgeoise est une dictature, RP propose, comme « stratégie ou programme », un « pont » : une seule Assemblée. Un aménagement de « la » démocratie. Un programme de transition, en quelque sorte. Une posture typiquement trotskiste. Devant l’obstacle politique, non pas un plan pour le démolir, mais un pas en arrière, pour être moins abstraits !

.6. L’avenir pour nous, les prolétaires

VP, 12 juillet :
« Le danger immédiatement présent, c’est le racisme, le nationalisme, le chauvinisme, le patriotisme à toutes les sauces, poison de la division qui fermente sous des formes différentes dans tous les partis. On a vu les lois anti-immigrés, mais on a vu aussi le renforcement du protectionnisme ». « Jusqu’aux positions bien pensantes de la gauche réformiste, CGT en tête, qui défendent mordicus la régularisation au cas par cas des sans-papiers, selon les besoins de l’économie française ».
« Combat qu’on élargira à toutes les discriminations homophobes, sexistes, patriarcales, pour une égalité universelle et anti-capitaliste contre nos exploiteurs communs.
Combat pour l’emploi, contre les restructurations, la précarité, la pénibilité, le chômage,
Combat écologique contre la destruction capitaliste de la nature, contre les toxiques chimiques,
Combat pour tous les intérêts ouvriers, sans chercher à être raisonnables, à concilier avec un « système » qui n’est pas le nôtre ».

Voilà tous nos combats immédiats, qu’ils soient syndicaux, associatifs ou politiques. Pourquoi mettre le racisme et le nationalisme en tête ? Parce qu’il s’agit d’une posture fondamentale. Ou bien l’unité de notre classe contre le capitalisme (Prolétaires, unissez-vous !), ou bien la division et l’acceptation du capitalisme. La tentation est toujours présente de s’en prendre à plus faible que soi pour compenser son incapacité à s’en prendre à plus fort.
Avons-nous vraiment éviter le pire grâce au « Front républicain » (une alliance avec les macronistes !), mettant les députés RN en minorité relative le 7 juillet ? On peut se poser la question quand on voit Barnier mettre le projetde loi Immigration de Retailleau dans les priorités, avec la suppression de l’AME, etc. C’est du RN pur jus, et ce n’est que la proue de la barque chargée de toutes les mesures anti-ouvrières liées à l’austérité, au remboursement de la dette, au respect du Capital.

.7. D’abord les plus convaincus

Les discriminations, l’emploi, l’écologie, les conditions de travail, tous les intérêts ouvriers, les guerres impérialistes : quand on rassemble tous nos combats, on est dans un projet politique.
« Soit nous prenons nos affaires en main, en toute indépendance de ce système parlementaire, de ce marigot politicien de droite comme de gauche, soit nous allons subir de nouvelles défaites, avec en perspective Marine Le Pen en 2027. Nous avons évité le pire en 2024, mais le pire reste peut-être à venir… Comme dit le proverbe, si tu ne veux pas t’occuper de politique, la politique s’occupera de toi ! Et si on s’en occupait ensemble, sur des bases vraiment de lutte, vraiment ouvrières et révolutionnaires ? »
VP, 29 septembre :
« Dans le monde barbare dans lequel nous vivons, l’heure est à se regrouper, à serrer les rangs, d’abord des plus convaincus. C’est à cela que nous travaillons, c’est à cela que nous appelons. »
Les plus convaincus, c’est « d’abord » : la lutte pour la construction d’une organisation politique, ce n’est pas une lutte en plus, pour plus tard. C’est la lutte immédiate la plus déterminante.
D’abord, c’est donc « les plus convaincus ». Nous disons, à VP, qu’il y a une avant-garde naturelle, spontanée, tous les militants ouvriers et populaires sincères, dévoués, conscients, et une avant-garde à construire, consciemment communiste et concrètement organisée.

Conclusion.

Violation de la démocratie ou pas ? Qui dirige vraiment la société ? Crétinisme parlementaire ? Un vote défensif de plus ? Le NPA réformiste ? L’anti-racisme en tête ? Une avant-garde ?
Entre le problème, « Leur démocratie, c’est une dictature », et la solution, « Prolétaires, unissez-vous », voilà une série de questions datées 2024. Vous nous direz ce que vous en pensez.