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Livre "Chômeurs, vos papiers !"

Partisan Magazine N°24 -Décembre 2024

Claire Vivès et al., Raisons d’agir 2023, 156 pages, 13,00 €

Même si vous connaissez ou si vous avez connu la situation de chômeur, ce petit bouquin vous apprendra des choses. Il vous rappellera d’abord toute l’idéologie et la politique bourgeoises, bien résumées dans cette célèbre phrase de Macron de septembre 2018 : il suffit de « traverser la rue » pour trouver du travail. Autrement dit, tous les chômeurs sont des feignants. Tout est là, au fond : responsabilité individuelle et concurrence. Reste à expliquer d’où est venue cette grande vague de fainéantise qui a touché des millions de travailleurs à partir des années 1970…

Un autre aspect du chômage, c’est le côté temps libre. Très relatif étant donné toutes les démarches obligatoires. Mais le « groupe dominant » a toujours cherché à « contrôler le temps libre du peuple » pour éviter qu’il ne « s’instruise, s’organise et se révolte » (citation de Du pain et des jeux, de Pierre-Noël Giraud).

Quelques rappels historiques sont chargés de leçons. Les Bourses du Travail étaient à l’origine des lieux de solidarité où se partageaient des tuyaux pour se faire embaucher, et des aides mutualistes. Puis, en 1884, « l’État s’associe avec les syndicats les moins révolutionnaires auxquels il délègue la gestion, l’indemnisation et le contrôle ». Enfin, la loi du 14 mars 1904 met les syndicats hors-jeu. Elle rend obligatoire la création d’un bureau public de placement municipal dans les communes de plus de 10 000 habitants, ce qui acte la mainmise des autorités publiques sur les sans-emploi. Les syndicats « représentatifs » seront réintégrés dans la gestion « paritaire » sous l’impulsion de De Gaulle en 1958. Bel exemple de transformation de la solidarité de classe en rouage de l’appareil d’État, et bel exemple du rôle des syndicats réformistes dans l’opération.

L’accompagnement et le contrôle ont toujours été mêlés, mais les chômeurs le savent : ANPE, Pôle Emploi ou France-Travail sont quasiment nuls dans l’aide à la recherche d’emploi (p. 110). Reste le contrôle, de plus en plus téléphonique ou informatisé, et la menace de radiation ! Par contre, les chômeurs indemnisés – moins de la moitié – ont tendance à croire à une aide de l’État, alors qu’il s’agit d’un droit, créé par cotisations (p. 103).

Dernière leçon et conclusion : la dégradation de la situation des chômeurs organisée par le gouvernement a un impact sur ceux qui travaillent. Ils ont tendance à supporter des salaires et des conditions de travail insupportables pour ne pas se retrouver en fin de droits. Les droits des chômeurs sont donc l’affaire de tous.

Devinette. Une loi qui a acté la primauté des besoins en matière de main-d’œuvre, c’est-à-dire l’acceptation de tout emploi disponible indépendamment du niveau de qualification professionnelle, vous connaissez ? Elle date du 11 octobre 1940, émise par le régime fasciste de Vichy.