Vous êtes dans la rubrique > Archives > L’eau, la planète, des enjeux pour l’humanité.

L’eau, la planète, des enjeux pour l’humanité.

Partisan N°246 - Avril 2011

L’héritage pour nous, c’est la pollution durable
Prenons un exemple illustrant parfaitement un pan entier de la politique énergétique de la France : l’industrie du nucléaire. Représentée par la compagnie Areva, elle a besoin d’une matière première incontournable : l’uranium. Dans notre pays où le nucléaire représente 80% de l’énergie électrique produite, l’uranium représente un enjeu stratégique majeur. Pour cela, la France et Areva, numéro 1 mondial du nucléaire, ont recours aux bonnes vieilles méthodes impérialistes : piller les ressources des pays pauvres et en particulier de l’Ouest et du Centre Africain. Fer de lance habituel de l’impérialisme français, Areva, et le gouvernement français négocient pays par pays pour s’assurer le monopole dans l’exploitation du sous-sol de pays comme le Niger ou la République Démocratique du Congo. _ Au Niger, où la France exploite les mines d’uranium depuis 50 ans les conséquences de cette industrie minière sur l’eau sont bien connues.
Pour exemple, en 2004 et 2005, la Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité (CRIIRAD) a relevé, dans la ville minière d’Arlit, des taux de contamination de l’eau potable de 7 à 110 fois supérieurs aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Les répercussions sur la population sont terribles puisque non seulement l’eau potable est contaminée mais cela a également des impacts sur l’agriculture et l’élevage. Areva refuse bien entendu de reconnaître ce problème et tente simplement d’indemniser les travailleurs miniers qui auraient été directement exposés à des radiations. Au Niger, à l’exploitation de l’Uranium, se rajoutent les pollutions causées par l’industrie pétrolifère, si bien que des responsables locaux de santé publique estiment que cette pollution des eaux est responsable d’environ 80% des maladies et d’un tiers des décès. Pour rajouter au désastre écologique et humain, ces industries, en plus d’être polluantes, sont aussi d’énormes consommatrices d’eau, ce qui a pour conséquence un important appauvrissement des sols.

Interrogé sur l’héritage laissé par Areva au Niger, Almoustapha Alhacen, président de l’ONG Aghir in‘Man répond : « Un manque d’eau considérable parce que les nappes sont déjà vides à 70%. Comme elles se remplissent tous les 100 millions d’années, autant dire qu’elles ne se remplissent pas. La faune a également disparu. La flore a disparu. C’est un pays désertique, mais des arbres il y en a. Seulement leurs racines ne peuvent aller à plus de 60 mètres ! Or, les nappes sont maintenant à 300m : les arbres ne peuvent pas aller les chercher. L’héritage pour nous, c’est la pollution durable ».
L’exemple du Niger n’est qu’un exemple parmi d’autres qui met en lumière les ravages des activités capitalistes sur l’écosystème. Nous avons des illustrations du problème bien plus près de nous, puisqu’il suffit de se rendre en Bretagne où l’élevage intensif de porcs hors sol et l’agriculture intensive ont rendu l’eau potable impropre à la consommation dans de nombreuses communes rurales. De la même façon, pour rendre l’eau potable plus claire (ce n’est qu’une question d’esthétique puisque les dépôts visés ne sont pas du tout dangereux pour la santé) de nombreuses communes ont recours à un traitement de l’eau utilisant des sulfates d’alumine, autrement dit de l’aluminium. Cette présence d’aluminium dans l’eau est de plus en plus mise en cause par des médecins dans la maladie d’Alzheimer. Ces exemples illustrent parfaitement le rôle et le fonctionnement des lobbys dans le capitalisme. Que ce soit le lobby agroalimentaire dans le cas des élevages de porcs ou le lobby sidérurgique pour le traitement de l’eau à l’aluminium, ils font tout pour garantir et augmenter leurs profits au mépris de l’environnement et du peuple.

Prédateurs de l’humain et de la planète, les capitalistes sont le principal obstacle au progrès
Lorsque les médias nous parlent du réchauffement climatique ils nous parlent le plus souvent de la déforestation. Il est pourtant un fait dont ils oublient souvent de parler : les océans captent à eux seuls entre ¼ et 1/3 des émissions de CO2 produites par l’homme soit environ 8 milliards de tonnes par an. Malheureusement, la production de CO2 engendré par les industries ne cesse de progresser et cela a pour conséquence une acidification des océans. Depuis le début de la révolution industrielle l’acidité relevée dans les océans a augmenté de 30 % et cette augmentation est en accélération constante. Au rythme où la production de CO2 évolue, on estime que d’ici 2060, cette acidité pourrait augmenter de 120%. Cela a pour conséquence une atteinte grave aux micro-organismes marins qui interviennent dans la chaîne alimentaire de plusieurs centaines d’espèces sous-marines et aussi le ralentissement de la formation des coraux. 1 espèce sous-marine sur quatre vivant sur un récif corallien, on mesure mieux le désastre que peut représenter l’acidification des océans et son impact sur l’ensemble de la faune marine.
_ A cette pollution générale due aux activités industrielles se rajoute évidemment les pollutions liées aux industries chimiques ou pétrolifères, une fois de plus au centre du problème. Nous avons tous en mémoire les terribles pollutions liées aux accidents des bateaux pétroliers ou encore de la plateforme pétrolière au large de la Louisiane. Les sociétés capitalistes et leur gestion catastrophique mettent régulièrement en danger non seulement les océans, la faune et la flore mais également les populations côtières qui sont directement exposées aux risques sanitaires des déchets rejetés en mer et sur les côtes. Lors de l’explosion de la plateforme pétrolière de BP dans le golfe du Mexique, ce ne sont pas moins de 500 millions de litres de pétrole qui ont été déversées en mer auxquels il faut rajouter l’utilisation massive de produits chimiques pour tenter de maîtriser la propagation des nappes de pétrole. Lorsque l’on sait que les déchets pétrolifères rejetés par la mer sont soupçonnés d’être hautement cancérigènes, on mesure mieux l’impact sanitaire sur les populations et sur les travailleurs appelés à nettoyer les côtes.
Pour illustrer le mépris des capitalistes pour l’écosystème et les populations, rappelons qu’au moment même de cette catastrophe écologique, M. Hofmeister, ex-PDG de la compagnie Shell, déclarait qu’il valait mieux abandonner l’idée de colmater la brèche car cela était trop complexe et qu’il fallait continuer à pomper le pétrole qui pouvait l’être afin de l’exploiter et le vendre pour continuer à faire des profits. Le même déclarait : « Pour satisfaire la demande, les Etats-Unis doivent continuer de produire de l’énergie à partir de chaque source disponible. Et ce, en dépit des risques qui sont associés ».
Il faut également garder à l’esprit que ces exemples ne sont que la partie émergée de l’Iceberg puisque s’étant produits en Occident sous les yeux des médias. Les puits de pétrole sont nombreux en Afrique et les accidents et pollutions systématiquement passés sous silence.
Que ce soit à travers l’eau potable ou l’eau des océans, si importants dans l’écosystème de la planète, les capitalistes prouvent chaque jour leur mépris pour l’humain et le vivant de manière générale. Ils agissent comme des parasites sur un corps vivant, puisant et pompant toute l’énergie et les ressources dont ils ont besoin pour assurer leurs profits, et abandonnant le cadavre une fois fini. Prédateurs de l’humain et de la planète, ils sont le principal obstacle au progrès.

La question de l’alimentation n’est pas une simple question de consommation
Pour terminer l’exploration des rapports de notre société capitaliste aux ressources d’eau, il est une question qui est rarement posée mais qui a pourtant de grandes implications : notre alimentation.
_ Dans leur logique de tout rentabiliser et transformer en profits, les capitalistes ont réduit les animaux au statut de simples matières premières devant être exploités de manière intensive. Les capitalistes ont intensifié au maximum les exploitations agricoles, les élevages et les abattoirs jusqu’à en faire de gigantesques « usines à viande ».
L’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) précise : « Au global, en additionnant les effets des différents maillons de la chaîne de production, le secteur de l’élevage a un énorme impact sur l’utilisation et la qualité de l’eau, sur l’hydrologie et les écosystèmes aquatiques ». En effet, dans les pays développés, la part des dépenses d’eau pour l’agriculture et l’élevage représente 71 %.
Au sein même de l’agriculture il est intéressant de noter ces données fournies par la FAO :
Pour produire 1 kilo d’aliment d’origine végétale, il faut entre 500 et 2000 litres d’eau. Pour produire 1kg de viande de bœuf, il faut de 20 000 à 100 000 litres ! La production de viande nécessite de 10 à 50 fois plus d’eau que la production d’aliments d’origine végétale. En plus d’être extrêmement gourmande en eau et en énergie, l’industrie de la viande est également une industrie ultra polluante comme nous l’avons évoqué avec l’exemple de la Bretagne et des élevages de porcs intensifs.
Là encore, pas de surprise : le système capitaliste, préfère gaspiller et polluer massivement les nappes phréatiques et l’eau potable plutôt que d’envisager d’autres moyens de s’alimenter et de produire notre nourriture. _ Sans compter que de nombreux élevages intensifs se trouvent dans des pays en voie de développement (Amérique du Sud par exemple), privant les populations de leurs terres et donc de leurs cultures vivrières et les confrontant à la pollution durable des nappes phréatiques. C’est ainsi que dans certains pays d’Amérique centrale ou du Sud, des populations entières sont soumises aux diktats des grands groupes de l’industrie de la viande et perdent de ce fait toute emprise sur leur vie et leur environnement. Leurs terres servent à accueillir les élevages géants ou bien à produire des céréales uniquement destinées à l’alimentation des animaux, leurs ressources en eau sont accaparées par cette activité d’élevage intensif et les nappes restantes sont largement polluées.
La question de l’alimentation n’est pas une simple question de consommation qui ferait reposer la responsabilité sur chaque individu. Dans une société capitaliste qui a choisi dès la révolution industrielle de traiter les animaux comme des machines, il est logique que nous continuions à les traiter comme de simples matières premières, déconnectés de toute notion d’environnement et d’écosystème.

A l’inverse, une vision et une construction socialiste du monde imposent de s’attaquer aux contradictions comme celle entre les villes et les campagnes pour les dépasser. Une société socialiste ne peut être que radicalement écologiste puisque aspirant à une vie harmonieuse entre les hommes et entre l’humanité et son environnement. Le changement des rapports de production allié à la prise en compte des questions culturelles nous met sur la voie pour résoudre l’ensemble des contradictions. La lutte des classes ne s’arrête pas aux portes du lieu de travail, nous prétendons à changer le monde et à changer la vie, alors efforçons nous de globaliser notre vision pour attaquer le capitalisme sur tous les fronts et à la racine.

Bibliographie

- L’eau des multinationales, R. Longlet et J-L. Touly, Fayard, 2006.
- L’eau mondialisée (la gouvernance en question), Graciela Schneier-Madanes, La Découverte, 2010, 496 pages, 32 €.
- Société civile et marchandisation de l’eau, Presses Universitaires de Toulouse Le Mirail, n° 64, 2005, 248 pages, 20 €.
- Film documentaire : Water makes money de Leslie Franke et Herdolor Lorenz (L’eau crée de l’argent).

Soutenir par un don