Vous êtes dans la rubrique > Archives > Fukushima Japon : les impasses du capitalisme

Fukushima Japon : les impasses du capitalisme

Partisan N°246 - Avril 2011

Nous ressortons cet article publié juste après la catastrophe de Fukushima, il y a 10 ans. Initialement paru dans notre journal Partisan, il conserve toute son actualité.

Le Japon est frappé par un enchaînement de catastrophes. Un séisme de magnitude 9, un tsunami, un accident nucléaire majeur, en attendant la crise économique aggravée dans un pays très endetté. Il ne faut pas parler de catastrophes naturelles. Le tremblement de terre et le tsunami sont des phénomènes naturels, probables, même s’ils ne sont pas prévisibles. La catastrophe, les morts, l’accident nucléaire, ont des causes humaines. Ils sont la conséquence de choix sociaux.

Preuve en est, l’effet immédiat du tremblement de terre a fait très peu de victimes. Bien moins que le tremblement de terre de Haïti, pourtant d’une intensité moindre. Quelques victimes contre plus de deux cent mille. Le Japon, pays impérialiste, construit des tours, des gratte-ciel hauts de centaines de mètres capables de résister aux secousses les plus fortes. Le tsunami a ravagé les villes de pêcheurs du nord de Tokyo, balayé leurs maisons. Rien n’avait été prévu pour les protéger de cela. Enfin on ne construit pas sans danger des centrales nucléaires sur des failles sismiques et en bord de mer. Les systèmes de refroidissement de la centrale de Fukushima ont été inondés, provoquant une réaction nucléaire incontrôlée. Déjà des particules radioactives ont été libérées en quantité, et la menace d’un accident plus grave que Tchernobyl n’est pas encore évitée. Les morts ne sont pas des victimes de la nature, mais d’abord du mode de développement capitaliste.

1. Le capitalisme produit pour accumuler du profit. Les capitalistes n’ont pas d’autre finalité que d’augmenter leur capital, que d’accumuler. Peu importe qu’ils le fassent en produisant des biens socialement utiles, des valeurs d’usage qui améliorent le bien être des hommes et des femmes, ou pour corriger les dégâts produits par un autre capitaliste, ou pour réparer des travailleurs usés, ou pour vendre des biens de luxes ou inutiles, ou des armes… Accumuler, pour accumuler, produire sans cesse de nouvelles marchandises, à durée de vie limitée, ou des services financiers, cela impose de gaspiller des ressources naturelles, le temps et la santé des hommes, enfin de l’énergie. Dans la guerre économique inter-impérialiste, le contrôle d’un approvisionnement énergétique à bas coût est donc stratégique. L’indépendance énergétique des puissances capitalistes, c’est la guerre (pour le pétrole et l’uranium) et le nucléaire. Dans les deux cas, l’intérêt des classes impérialistes passe bien avant celui des peuples, ceux des pays dominés comme des pays impérialistes.

2. Dans la guerre économique, comme dans la guerre classique, rien n’est joué à l’avance. Chaque impérialiste prend des risques dont les peuples font les frais. Il doit néanmoins faire valoir ses choix, comme justes, comme répondant aux besoins de tous. Sans grandes ressources énergétiques fossiles (charbon, pétrole) le Japon, comme la France, a misé sur le nucléaire. Il a construit ses centrales sur des failles, sur les terrains gagnés sur la mer. Comme la France, il fait le pari d’une maîtrise totale du risque immédiat et de sa capacité de traiter, sur le long terme, les déchets radioactifs qui le seront pour des milliers d’années. Les bourgeoisies doivent convaincre leurs citoyens de la maîtrise de ces technologies. Pour cela, il leur faut cacher ou minimiser les accidents les plus graves. En France, les informations sur le nuage radioactif de Tchernobyl ont été cachées par l’agence chargée de la sûreté nucléaire, pour ne pas porter tort au programme nucléaire français. Il y a quelques années, une crue de la Gironde conjuguée au vent a provoqué une inondation qui a failli provoquer l’arrêt des systèmes de refroidissement de la centrale de Blaye. Exactement ce qui s’est produit à Fukushima. Avec le nucléaire, la contradiction du capitalisme est encore plus violente. Elle répond aux besoins privés des impérialistes, mais ses conséquences en sont sociales collectives. Elles menacent non seulement toute une génération, mais encore et pour longtemps les générations futures.

3. Ce qui est en jeu ce n’est pas donc d’abord un choix d’énergie : le solaire ou l’éolien plutôt que le nucléaire, le charbon ou le gaz…. Ce qui est en jeu est un mode de production. Mais il n’y a pas d’alternative au sein du capitalisme. Il faut mettre fin à ce système qui gaspille les ressources de la planète, le temps des hommes, l’énergie. Il faut le remplacer par une société où les travailleurs assument collectivement et consciemment les risques que doit assumer la société.

Le capitalisme va à la catastrophe, climatique, nucléaire ou militaire, tout à fait consciemment. Mais aucun capitaliste n’est prêt à se sacrifier pour le bien collectif, avant ses concurrents. Il est donc vain de l’appeler à la raison… comme le font les écologistes défenseurs d’un capitalisme vert. Gaspillages et parasitismes, catastrophes, restriction des droits, sont les conséquences nécessaires du développement du capitalisme.

Le socialisme ne sera pas un capitalisme géré collectivement et plus « juste » dans la répartition de la richesse. Le socialisme sera un pouvoir politique et social tourné vers d’autres finalités sociales. Il libérera le temps libre permis par le développement actuel de la société. Il sera économe en ressources humaines et naturelles, en énergie. La consommation ne sera pas la compensation illusoire de l’aliénation capitaliste. Le socialisme sera donc une révolution économique et sociale portée par une révolution politique (la prise du pouvoir par les exploités) et par une révolution idéologique. Cette dernière signifiant que les prolétaires eux-mêmes doivent se transformer en transformant la société. Ils doivent rompre avec les valeurs que le capitalisme leur a inculquées pour se libérer individuellement et collectivement.
GF

Soutenir par un don