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Des migrants abandonnés à en mourir en Méditerranée

L’arrivée massive d’immigrants par bateaux est un fantasme politique très utilisé par les droites européennes. Marine Le Pen avait proposé de « repousser dans les eaux internationales les migrants qui voudraient entrer en Europe ». C’est ignoble direz-vous. Mais ça existe déjà. Dans beaucoup de pays, les partis de gauche qui ont soutenu l’intervention en Libye sont gênés et silencieux sur ces questions. Dénonçons l’attitude de notre impérialisme. Solidarité avec ceux qui portent plainte contre lui.

Des migrants abandonnés à en mourir en Méditerranée

Un an après la mort 
de 63 migrants au large de la Libye, 4 survivants mettent en cause l’armée française.
La traversée devait durer moins de 24 heures, elle s’est transformée en une épopée tragique de quinze jours durant lesquels 63 hommes, femmes et enfants, abandonnés à la dérive, sont morts de faim et de soif. Un radeau de la Méduse en pleine mer Méditerranée, localisé par les autorités européennes et dérivant à quelques milles marins des flottes les plus sophistiquées au monde…
L’histoire commence dans la nuit du 26 au 27 février 2011. Depuis un mois, le chaos qui règne en Libye provoque un exode massif, les migrants subsahariens fuient le pays par centaine de milliers. Entre minuit et deux heures du matin cette nuit-là, un zodiac quitte Tripoli à destination de l’Italie. À son bord, 70 hommes et femmes, âgés de 20 à 25 ans, et 2 bébés. Le lendemain, peu avant 17 heures, un avion de patrouille français prend une photographie de l’embarcation et la transmet aux garde-côtes italiens, accompagnée du positionnement du bateau. Dans la soirée, celui-ci est survolé par un hélicoptère, les migrants pensent être sauvés. Mais l’hélico repart. Il reviendra dans la nuit leur lancer de l’eau et des biscuits.
Le 28  mars, en début de matinée, le bateau tombe définitivement en panne de carburant. Une longue dérive de 14 jours commence, tandis que les appels de détresse continuent d’être renouvelés toutes les 4 heures par les garde-côtes italiens. Au 5e jour, les premiers décès surviennent. Après 10 jours en mer, plus de la moitié des occupants du zodiac sont morts. Les migrants croisent alors un navire militaire. « Il y avait 30 morts sur le bateau à ce moment, raconte Dan Haile Gebre, un survivant. Nous avons crié et leur avons montré les corps des bébés morts. Mais ils nous ont juste pris en photo.  » Aujourd’hui encore, nul ne sait sous quel pavillon naviguait ce bateau. L’Otan, comme les troupes américaines et européennes présentes alors en Méditerranée, n’ont pas répondu aux sollicitations des ONG. Le 10 avril 2011, après14 jours de dérive dans la faim, la soif et l’odeur putride des cadavres, une tempête rejette le bateau sur la plage de Zliten, en Libye. Parmi les 11 survivants, 2 mourront dans les heures suivant leur débarquement, alors que les 9 autres seront placés en détention.
4 de ces survivants ont porté plainte hier en France pour non-assistance à personne en danger. Une plainte contre X qui met en cause l’armée française, à l’époque la plus importante au large de la Libye. «  La France connaissait l’existence et la position de ce bateau, dénonce Stéphane Maugendre, président du Gisti et avocat des survivants. Quel que soit le lieu où se trouvaient les avions, bateaux et sous-marins français, le fait qu’ils n’aient pas dévié leur route constitue une non-assistance à personne en danger. » D’autres plaintes pourraient être déposées prochainement dans les pays concernés.

 

Marie Barbier, article publié dans l’Humanité du 12 avril 2012

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