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Quelques démarcations sur l’écologie

Partisan Magazine N°16 - Janvier 2021

Les hypothèses militantes les plus intéressantes pour le « monde d’après » mettent obligatoirement au cœur l’écologie. Mais ces hypothèses sont souvent plus ou moins polluées par les rêves sur la possibilité du capitalisme impérialiste de se réformer (transition écologique), par les illusions sur l’État, sur les questions de lutte et d’organisation. Essayons d’y voir plus clair.

De quoi on parle ?

Tout le monde parle d’écologie, c’est la situation qui l’impose (changement climatique, déchets, catastrophes etc.). Les patrons et les réactionnaires bourgeois deviennent « écolos » (greenwashing, conférences sur le climat, etc.). Les réformistes de tous poils veulent nous vendre un capitalisme vert… mais de plus en plus autoritaire et réactionnaire (Yannick Jadot, EELV). Il y a les grosses ONG institutionnelles du type Greenpeace, qui font une critique pertinente et approfondie sur des sujets, mais ne se proposent que d’améliorer le système. Plus nouveau, les mouvements comme Extinction Rébellion/XR, de composition différente mais tout aussi réformiste. Cet article... ne parle pas d’eux !

En effet à côté, nous voyons se développer un courant de l’écologie sociale et populaire. C’est tout au plus une tendance, sans trop de solutions pour l’après. On voit ça à Lubrizol, autour des déchets nucléaires de Bure, l’Observatoire des Multinationales, les toxiques chimiques sur le bassin de Lacq, etc. Ça se voit aussi chez certains des décroissants, qui remettent en cause le modèle de la « croissance capitaliste ». Les sites Bastamag et Reporterre peuvent se rattacher à ce courant. Cette écologie sociale et populaire n’est pas portée par un mouvement en particulier, encore moins une organisation communiste qu’il reste à reconstruire. Comme toute tendance embryonnaire, elle se caractérise surtout par des « contre ».

- Contre les solutions individualistes, ou d’adaptation à la crise
- Contre la critique superficielle des productions les plus nuisibles (nucléaire) ou inutiles du capitalisme (la pub), pour aller plus au fond.
- Refus sans concession des grands projets inutiles et nuisibles (la concession = toutes les solutions du style compensation carbone)
- Remise en cause du capitalisme, non comme une politique particulière (néolibéralisme, financiarisation, etc) mais comme un mode de production à abattre

Nous partageons avec ce courant l’idée que « le jour d’après » sera écologique [1] et que la crise provient d’un système qu’il faut abattre. Mais voici quelques démarcations qui ne vont pas toujours de soi...

Quelle transition écologique ?

Dans nos syndicats, et parmi les écologistes radicaux, on parle de transition écologique. Pour nous, cela ne peut faire référence qu’à deux choses, totalement différentes :
- 1. La transition capitaliste. Dans ce mode de production, le remplacement d’une branche d’industrie par une autre intervient sur le seul critère de la rentabilité des capitaux. Tant qu’une branche d’industrie est rentable relativement aux autres (la bagnole), il n’y a aucune incitation pour les capitalistes à faire une transition de quoi que ce soit. Et quand cela arrive, cela entraîne des destructions massives de capitaux (fermetures d’usine, ouvriers licenciés par milliers). Ce sont toujours les travailleurs qui en payent le prix, cash. Le moteur de cette transition, c’est la concurrence et la loi de la valeur (on produit ce qui permettra de faire des profits).

Si le remplacement d’une branche d’industrie par une autre peut avoir un effet sur l’environnement (réduction d’une pollution), c’est souvent accidentel. Bien souvent, c’est le contraire qui se passe.
- Parce que la surexploitation de la nature pousse les capitalistes à chercher et à extraire des ressources toujours plus polluantes et rares. Avec la surconsommation de pétrole, la hausse des prix a fait devenir rentable à partir des années 2000 l’extraction du pétrole de schiste, qui demande des procédés d’extraction encore plus polluants que les hydrocarbures conventionnels.
- Ou bien parce que la reproduction sans cesse élargie du capital (la « croissance économique ») gonfle sans cesse la masse et la complexité des biens produits, et donc les pollutions et les désastres écologiques. Quand bien même les procédés industriels les plus polluants sont abandonnés. Le DDT est interdit depuis les années mais on n’a jamais utilisé autant d’insecticides/pesticides dans le monde.

- 2. La transition socialiste-écologiste, le passage d’un mode de production fondé sur l’exploitation de l’homme et de la nature à un mode de production fondé sur la satisfaction des besoins sociaux et des échanges équilibrés entre l’homme et la nature. Le moteur de cette transition, c’est l’organisation politique et idéologique des producteurs associés et conscients (dans la production et pour la vie quotidienne).

Entre les deux, il n’y a rien. Dommage pour tous les plans plus ou moins sincères de transition écolo, qui sont tous destinés à finir en eau de boudin. Franchement, imaginez un peu une transition écologique qui consisterait à entreprendre en même temps et dans toutes les branches d’industrie une conversion radicale vers des productions moins rentables. C’est tout simplement impensable pour les capitalistes.

L’État écologiste ? La science publique pour le progrès ?

Mais si c’est impensable pour les capitalistes, certains se disent : 1/ Que l’État y peut quelque chose 2/ Que la science doit trouver les solutions qui permettra « à long terme » la rentabilité des nouveaux secteurs productifs « écolos ».

1/ Si les capitalistes ne veulent pas, alors l’État doit les y inciter ou les y obliger (pour les solutions les plus « radicales »). C’est oublier que l’État n’est pas au-dessus des classes, qu’il ne suffit pas d’en prendre le contrôle par les élections ou par les armes pour en faire du jour au lendemain un instrument au service des travailleurs. Au contraire, l’État c’est le capitaliste en chef, celui qui veille aux intérêts de la bourgeoisie tout entière. Il doit être détruit par une révolution, et reconstruit sur des bases sociales et politiques complètement nouvelles.

2/ La science doit trouver les solutions. En particulier la « bonne » science, sous contrôle et financement publics, qu’on oppose à la « mauvaise » science marchande. En fait il n’y a qu’une science capitaliste, étatique/publique quand ça coûte cher, quand la rentabilité est incertaine, et privée quand il s’agit de capter les bénéfices. Comme avec le Covid, des start-up gavées de subventions publiques inventent un vaccin, que les labos rachètent et revendent à prix d’or... à l’État. Les connaissances et la recherche scientifiques doivent être mises sous contrôle des travailleurs, en fonction de leurs propres priorités.

Ecologie et impérialisme

Souvent aux abonnés absents dans la transition écologique : la domination impérialiste. En gros, à nous les bonnes industries écolos (voiture électrique, énergies renouvelables) et à eux les crasses (batteries, exploitation des terres rares, produits toxiques chimiques, montagnes de déchets etc.). C’est le programme de transition écolo chauvin et pro-impérialiste de tous les réformistes de gauche du type France Insoumise. Cela peut avoir un certain succès, car la perception des peuples des pays impérialistes quant à l’ampleur du désastre en cours est faussée par la division internationale du travail, qui éloigne les usines et concentre les pollutions et les déchets dans les pays dominés.

Les luttes, et après ?

Disons-le tout de suite, l’addition des luttes ne suffira pas. Ni même leur coordination à une échelle toujours plus large. Les luttes en cours (Bure, Lubrizol, etc) sont chacunes nécessaires mais ne dessinent pas à elles seules une alternative pour l’avenir. Bien souvent, la critique globale du système, aussi juste soit-elle, s’accompagne d’un refus d’une vision globale de la perspective politique. Qu’est-ce qu’on entend par là ? En un mot, la révolution ! En deux mots, l’organisation des prolétaires conscients pour le socialisme.

Face à l’absence de considérations de classe, nous disons que l’écologie, c’est « l’affaire des travailleurs ! » [2]. Parce que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui sont les mieux placé-e-s pour trouver des solutions pratiques et radicales puisque ce sont eux qui à la fois subissent et font tourner la machine capitaliste. La reprise en main et la gestion directe des moyens de production par les exploité-e-s sera la seule solution efficace pour lutter contre le réchauffement climatique.

A l’OCML-VP, notre but principal est de contribuer au regroupement des travailleurs conscients, en mettant l’écologie au cœur de ce projet. Pour autant, nous intervenons aussi dans les luttes écologistes avec nos (petits) moyens, sans sectarisme, mais aussi sans « mettre le drapeau rouge dans notre poche » (d’où cette article ! – et on peut également relire avec profit le numéro spécial de notre magazine réalisé en 2016 à l’occasion de la COP21, désormais en ligne  [3]).

Nous marchons sur deux jambes, en nous appuyant sur la critique scientifique matérialiste du capitalisme (la théorie) et sur notre intervention dans la lutte des classes (la pratique). C’est la seule façon correcte de s’orienter et de tracer une démarcation nette entre l’écologie bourgeoise/petite-bourgeoise et l’écologie radicale, révolutionnaire et communiste !

[1Certains se demandent si le jour d’après aura lieu, tout simplement. C’est le cas des théories de l’Effondrement. En gros, c’est l’idée que la crise écologique va s’approfondir jusqu’à entraîner un effondrement brutal et un repli vers une économie de survie. Premièrement, c’est déjà la réalité quotidienne des masses de pauvres concentrés dans les pays dominés, pas spécialement pour des raisons écologiques d’ailleurs. Deuxièmement, la possibilité d’un effondrement est réelle, mais c’est seulement une possibilité. En tant que communiste, nous avons toujours parlé de l’alternative entre communisme et barbarie. Nous combattons la tendance petite-bourgeoise sous-tendue par l’Effondrement, qui désarme politiquement et propage le repli sur les solutions d’adaptations individuelles et localistes.

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